Autechre - Move of Ten
Sorti le: 01/09/2010
Par Fanny Layani
Label: Warp
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Entité originaire de Sheffield (sans doute le coin le plus sinistre d’Angleterre), au nom imprononçable (phonétiquement « Aoteker »), et s’ingéniant à proposer une musique électronique à la fois complexe et froide, Autechre met de toute évidence toutes les chances de son côté ! Et pourtant, avec Move of Ten, le duo que forment Rob Brown et Sean Booth n’est sans doute pas loin d’avoir trouvé la pierre philosophale, ou d’avoir transformé l’eau en vin.
Sorti moins de six mois après Oversteps, ce nouvel album aurait pu avoir ce goût étrange, souvent saumâtre, de chutes de studio. Dans un premier temps, d’ailleurs, il avait été annoncé comme un maxi, ce qui corroborait cette hypothèse. On est loin de ce scénario, et pour le meilleur. D’abord, parce que Move of Ten contient pas moins de dix véritables titres – on a vu plus « maxi » que cela ! Ensuite, parce qu’il s’agit d’un album cohérent, qui a du sens, une véritable identité, plus concret aussi (une partie des sons utilisés semblent tout droit venus de la vie réelle : usine, port, entrepôt, etc.) et qui s’éloigne nettement de son prédécesseur avec des moments beaucoup plus rythmiques (« y7 », « M62 » et surtout « Etchogon-S »).
Aussi tendu que déprimant (« nth Dafuseder.b » et « pce freeze 28i » auraient de quoi prétendre au titre de bande-son idéale d’un dimanche après-midi pluvieux de fin novembre), presque agressif par moments, Move of Ten sonne terriblement urbain et actuel finalement. Un disque qui sent à plein nez la vieille brique recuite, la bombe de peinture qui dégouline et le graffiti pas sec, les lambeaux d’affiches décollés, la charpente métallique et le verre brisé.
En dépit d’une pochette à faire hurler tous les ophtalmologistes du monde, Move of Ten reste étonnamment accessible : il y subsiste des vagues de mélodies qui tracent tranquillement leur petit bonhomme de chemin entre les bruits hostiles qui foisonnent de toutes parts. Ainsi, pour peu que l’on se donne la peine d’y entrer et de l’explorer avec un minimum d’attention, cet univers apparaît finalement comme presque confortable, même pour un auditeur débutant, loin de l’image d’autistes de la dance music, fût-elle « intelligente », qui colle un peu à la peau des deux Anglais.