Eskaton - 4 Visions
Sorti le: 26/04/2010
Par Christophe Manhès
Label: Soleil Zeuhl
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Finalement le voilà, le Saint Graal, l’objet quémandé avec la ferveur du frocard absorbé tout entier dans sa piété zeuhl. Cela faisait des années que mystiques et fétichistes de la cause attendaient sous leurs tabernacles, transis, qu’un label veuille bien rééditer ce disque mythique. Rendons grâce à Alain Lebon de Soleil Zeuhl d’avoir répondu à cette longue attente tout en ayant occis les impuretés d’origine grâce à une belle remastérisation de Udi Koomran, qui permet à la beauté exaltée de cette grande messe païenne de s’épanouir enfin devant les esgourdes ébahies.
Au commencement, de 4 Visions, premier album des Français d’Eskaton, n’existait qu’une édition publiée en 1981 en cassette audio, un de ces supports corruptibles dont les magnétophones dévoraient les bandes sans scrupule. Brièvement réédité en CD quinze ans plus tard par quelques consciences lucides de l’offense faite à ce chef-d’œuvre, et introuvable depuis, sinon sous la bure de quelques dévots jaloux du privilège de posséder un tel prodige, l’album répandit peu à peu sur la toile son autorité artistique auprès d’un microcosme amateur de trésors cachés.
A nouveau sur les étals, plus largement diffusé que jamais, quid de ce phénix ? La zeuhl ne s’est-elle pas, une fois de plus, nourrie d’une légende supplémentaire pour entretenir ce halo panégyrique qui l’accompagne depuis ses débuts ? Eh bien non, 4 Visions est un surprenant chef-d’œuvre, une coupe sacrée qui coffre l’essence zeuhl avec suffisamment de personnalité pour ne pas être réduite à un simple écho fidèle à la liqueur séminale du grand Magma. D’un groove absolument inouï, insufflé en grande partie par la basse extraterrestre d’André Bernardi, 4 Visions retentit en dégageant une impression incroyable de puissance ivre d’elle-même soutenue par une virtuosité exploratrice d’une transe aussi sacrée que mécréante.
Toute le reste de la discographie d’Eskaton ne possède pas, loin s’en faut, la même urgence. Mais il y a comme ça des albums qui, soulevés par leur propre génie, s’envolent pour se loger dans les étoiles. Un peu comme Epilog d’Änglagård se référant à Yes et Genesis, 4 Visions d’Eskaton est l’avatar génial d’un modèle – Magma période De Futura – qu’il a non seulement parfaitement assimilé mais aussi dépassé sur bien des points, tout en s’étant teinté d’enluminures sui generis. Bien produit, accessible pour le non initié, 4 Visions d’Eskaton est peut-être le plus beau de tous les rejetons kobaïens.