Minnaars - Of Our Delirious Former Loving
Sorti le: 12/01/2010
Par Jérôme Walczak
Label: Hip Hip Hip
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Voilà un groupe qui donne envie de rédiger une chronique avec talent, à la hauteur de l’intérêt et du bonheur suscités à son écoute. Premier album des cinq Anglais de Leicester et première production du petit label Hip Hip Hip (qui sont bien allumés, ceux-là… se lancer dans une aventure pareille en ces temps sinistrés), la petite chose ne manque ni d’attrait ni de trouvailles. La barre est haute mais point assez pour dérouter le chroniqueur !
En préambule, vous devez savoir que chez Progressia, notre patronne [NdlR : qui est un homme, allez savoir] qui nous aime (et nous engueule) fait parvenir aux rédacteurs, à peu près à chaque nouvelle lune (ce doit être hormonal chez les patronnes), ses yeux épuisés par la relecture de nos fautes de frappe et nos questions incessantes sur les process et une petite veinule aussi palpitante que menaçante accentuant son regard implorant (mais néanmoins patronnesque), la liste des disques dont aucun rédacteur n’a voulu, tout occupé qu’il était à expliquer que Steve Vai est le génie du vingtième siècle et que sans lui, Albert Einstein aurait passé sa vie à vendre des falafels dans les faubourgs d’Hambourg au lieu de découvrir la physique quantique…
Of Our Delirious Former Loving Hours était dans ladite liste, et avec force persuasion, assortie de la menace de condamner l’esprit retors à se retaper l’intégrale du catalogue Musea période nipponne 1995-1999 ou d’interviewer Guy Manning sans gilet pare-balles, voici le papier. On vous le dit, parfois, les patronnes ont raison d’insister (c’était ça ou un Colossus Project, alors…).
Premier point très fort : le chanteur et sa voix. Le jeune et fringuant Adam James Douglas Pickering est (bien) doté de la même tessiture que Robert Smith. Voilà qui le rendra immédiatement sympathique et replongera avec volupté l’auditeur moins échevelé en ce début de vingt-et-unième siècle dans ses fulgurantes années adolescentes. Second point : ces jeunes et jolis gaillards maîtrisent le math-rock. Cette appellation semble toujours un peu abusive tant elle effraie et rend complexe des choses qui sont pourtant fort simples : de belles mélodies, dansantes et youplaboum, pour le coup très proches des dandineries de The Cure, assorties de transitions plus dissonantes, plus complexes, qui n’hésitent pas à flirter avec la musique punk, indus ou electro.
Enfin un peu de vie et d’oxygène dans le rock englué dans son quintette traditionnel et de plus en plus voué à disparaître : clavier-basse-guitare-voix-batterie ! « An Open Letter to Andrew » alterne ainsi un refrain catchy, enlevé, avec des incursions de basse et de boîte à rythmes, des effets de voix ; en somme tout un arsenal que ne renieraient pas les compatriotes de Pure Reason Revolution. Ce premier titre introduit une longue série de morceaux rapides, clonesques, qui se déclinent à une vitesse vertigineuse pendant un peu moins de quarante minutes. « Busy Hands » est tout sauf masturbatoire, ça joue bien, ça s’éclate et ça reprend avec fougue sur un fond indus et disco une énergie contagieuse.
Voilà ce qui rend Minnaars indispensable : l’art de mêler des recettes simples (des couplets, des refrains, tout cela étant tout sauf hermétique) à des petites trouvailles technologiques et rythmiques qui feront vriller d’aise et de plaisir n’importe quel amateur de musique de qualité. La maîtrise des refrains entraînants est ici une qualité rare qui se doit d’être saluée. Pas un seul titre qui ne soit pas emballant, qui ne donne pas envie d’exploser un dance floor, d’avaler des choses étranges et de se mettre à remuer le popotin.
Les quatre râleurs au fond ont effectivement raison : tous les titres se ressemblent, alors que c’est vrai, Guy Manning est un modèle de diversité musicale… Ecartons en toute mauvaise foi cet argument, et ne boudons pas notre plaisir. Une véritable découverte, à conseiller, à écouter, à diffuser : ils le méritent, car eux, au moins, changent la musique !