Pain of Salvation
04/01/2010
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Par Fanny Layani
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CONCERT : PAIN OF SALVATION
A petit CD, petite tournée et « petit Elysée », réduit aux deux-tiers par des rideaux. Pour promouvoir son EP Linoleum, la troupe de Daniel Gildenlow a quitté l’hiver suédois pour un petit tour en Europe, pensant sans doute que le sud leur apporterait un peu de chaleur. Las, les frimas du nord ont envahi Paris, tétanisant quelque peu un public que le groupe s’employa de bon cœur à réchauffer. Set list : Remedy Lane – Used – Diffidentia – Linoleum – Ashes – Undertow – Falling – The Perfect Element – Fandango – Handful of Nothing – solo de batterie – Inside – If You Wait – Nightmist L’ouverture de ce concert revient aux Toulousains de Zubrowska. La présence un poil incongrue de cette formation death-core s’explique par l’histoire plus que par le talent ou la cohérence de l’affiche. Il s’agit en effet de l’ancien groupe de Léo Margarit, parti rejoindre les rangs de Pain of Salvation il y deux ans (défection qui fera d’ailleurs l’objet d’une vanne bon esprit de ses anciens camarades, entre deux morceaux). Ce sextet propose une musique brutale qui se détache légèrement du rang des multiples formations du genre, par la présence de deux chanteurs alternant vocaux clairs et presque mélodiques (mais peu amples) phrasé hardcore aux tentations rap et growlings gentiment gutturaux. La prestation est pleine d’énergie et d’envie, chaque musicien se donne sans compter mais la technique n’est pas à la hauteur de l’engagement : multiples larsens manifestement involontaires, une voix qui ne parvient pas toujours à suivre au beau milieu de ce déluge de décibels, rythmiques rendues parfois un peu approximatives par un jeu de scène très visuel mais musicalement dangereux… La (bonne) volonté est manifeste, mais l’ensemble souffre encore d’un aspect un peu « amateur », qui se retrouve également dans une communication hésitante avec le public. Le discours final est un tantinet long, conclu néanmoins par un « putaing, cong » qui ne laisse pas de doute sur l’origine géographique des musiciens et leur attire un petit capital sympathie de la part de l’audience, restée plutôt passive jusque là. Pain of Salvation a ensuite la lourde tâche de réchauffer une salle emmitouflée sous une dizaine de tonnes de pelures de toutes sortes, de faire émerger les nez des écharpes et naître des sourires sur des mâchoires serrées par le froid (ou la demi-heure bruitiste toulousaine, laquelle n’était pas du goût de tous ?). Dès l’introduction, avec l’enchaînement de « Remedy Lane » et «nbsp;Used », c’est chose faite, malgré – c’est une quasi-constante chez Pain of Salvation – un son abominable, qui ne s’arrangera que lentement au cours du concert (le cas du son de guitare restant désespéré, sans doute du fait de choix techniques étonnants). L’orientation musicale récente du groupe (depuis Be, et surtout depuis Scarsick) est pour le moins controversée, et le virage opéré ces dernières années vers un style plus simple, plus direct, moins sombre aussi, virant parfois vers le neo-metal, est loin d’avoir convaincu l’ensemble du public français. Pour s’en persuader, il suffit de se remémorer les débats sans fin d’il y a deux ans lors de la sortie du dernier album. Or, ce soir, les tenants de la tradition dans cette « querelle des anciens et des modernes » vont en prendre pour leur grade : la setlist semble avoir été composée pour rendre heureux ces « vieux » fans qui se sentaient un peu orphelins de leur groupe préféré. Les deux-tiers des titres joués sont issus des quatre premiers disques du groupe, pour le plaisir manifeste de l’assistance qui vacille sous le charme d’un Daniel Gildenlöw plus séducteur que jamais. Le grand jeune homme timide et torturé que Progressia interviewait il y a dix ans est devenu un frontman assumé, souriant et manipulant à sa guise un public plus que consentant. Ah ça, on le saura qu’il nous aime le Daniel, tant il nous l’aura dit ! Il est parfois seul en avant-scène, notamment lors de ses soli, et joue avec un plaisir manifeste le rôle de la star de la soirée. Les interventions entres les morceaux sont nombreuses, enjouées, presque cabotines, notamment lorsqu’il demande plus de cris et d’encouragements du public, presque provocatrices parfois (« C’est un deal gagnant-gagnant : vous avez payé pour être ici. Nous, on est payés pour jouer devant vous… ah non, en fait, c’est gagnant-gagnant pour nous seulement ! »), mais font toujours mouche. Gildenlöw mène véritablement le groupe, se démène, se roule par terre (à la fin de « Inside » et pour toute la durée de « If You Wait »), gratifie le public d’un « Falling » gilmourien, affalé dans un fauteuil, etc. Pas de doute, un concert de Pain of Salvation est une expérience autant visuelle que musicale, et le spectacle est à la hauteur des compositions. La nouvelle section rythmique (Léo Margarit à la batterie et Per Schelander à la basse, qui n’est semble-t-il pas sorti sans séquelles esthétiques de son passage dans les rangs de Royal Hunt – mon dieu ce look !) n’a encore que peu de concerts au compteur et ne convainc pas totalement, moins carrée et puissante que son pendant « canal historique ». Signalons toutefois à sa décharge que des ennuis de son récurrents sur la basse et un solo de batterie sans doute proposé par le groupe en l’honneur du « local de l’étape » mais plutôt dispensable et d’un intérêt limité, n’ont pas facilité la tâche des deux hommes. Après un set rondement mené, le rappel réserve encore de grands moments, au premier rang desquels un « Hallelujah » dépouillé et plein d’émotion, plus proche de la version de Jeff Buckley que de celle de Leonard Cohen. Cette version tout à fait honnête n’a certes pas l’originalité de l’interprétation qu’en proposait le groupe précédemment, mais elle revient à sa vocation première : susciter l’émotion et mettre en avant la palette vocale du chanteur. Suit « Conditioned », un nouveau titre que d’« immoral bastards » ont déjà mis en ligne sur You Tube, au grand dam d’un Gildenlöw qui ne plaisante pas avec Internet. Dans la droite ligne stylistique de Scarsick, ce titre sonne de manière étonnamment joyeuse, et ce n’est pas nécessairement ici qu’on attendait les Suédois. Enfin, le concert se clôt par un « Disco Queen » sur lequel perruques et lunettes de soleil sont de sortie. C’est sur cet amusant final que le service d’ordre de l’Elysée Montmartre, aussi subtil et raffiné que de coutume, repousse le public vers la sortie. Il fait toujours aussi nuit et toujours aussi froid, mais cette fois, de grands sourires illuminent les visages : que demander de plus ? Fanny Layani site web : Pain of Salvation |