Yes
04/12/2009
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Par Jérôme Walczak
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CONCERT : YES
Une seule date parisienne pour un groupe quadragénaire dont le talent, certes peu écorné par les années, ne parvient plus à faire comprendre ce que Yes a, en 2009, à apporter au public si ce n’est quelques frissons d’antan. Yes partage deux points communs avec Michelle Torr : les deux artistes antédiluviens ont joué à l’Olympia et les deux shows étaient subventionnés par Radio Nostalgie. Difficile de faire abstraction d’une question lancinante à la vue de ce barnum qu’on croirait sponsorisé par Stéradent et les couches Confiance : qu’apporte Yes aujourd’hui au monde de la musique ? Que peut offrir ce groupe emblématique, clef de voûte des univers musicaux décalés et oniriques qui firent les plus grandes heures de la musique des années soixante et soixante-dix, si ce n’est la vibration d’une corde nostalgique qui, pour une fois, s’est révélée particulièrement poussive ? La curiosité avant tout, car depuis l’absence de Jon Anderson pour raisons de santé, c’est une jeune recrue qui était attendu au tournant. Originaire de Montreal, Benoît David prend la relève du hobbit frénétique. Deuxième détail important, Oliver Wakeman, fils de son papa, est aux commandes des claviers. Si ce dernier a déjà fait ses preuves, il fut sincèrement le clou du spectacle, tant ses interprétations et la fluidité de ses enchaînements étaient maîtrisées, tout en apportant une touche de modernité dans ce concert hommage géant. Une force surnaturelle semble avoir agi à l’écoute de la tessiture vocale du Québecquois, véritable copie-carbone de Jon Anderson : même phrasé, mêmes volutes suraiguës. Le travail de clonage s’arrête pourtant là, à tort ou à raison. Anderson savait s’arrêter entre chaque morceau. Il était l’âme du groupe, racontait et distillait anecdotes et petits écarts souvent goguenards (« During this session, we were waiting, rolling… tea… »). David, c’est autre chose : content d’être là, il a accompli son rêve. On l’aura compris : soixante-dix euros pour aider un ancien chanteur de tribute band à assumer sa quête identitaire, ça revient cher le coming out… Lui qui rendait hommage à Yes avec son groupe de reprises Close to the Edge ne se lasse donc pas, en Français évidemment, d’exprimer sa joie, son bonheur, sa gratitude, son apothéose. Il est salué par les applaudissements polis d’un public érudit et manifestement inconsolable. Cette idée saugrenue d’engager un type en conformité parfaite avec son homologue, histoire de faire perdurer la tradition vocale de Yes restera à jamais un mystère. Jon Anderson lui-même était désappointé en constatant qu’il pouvait être remplacé par des cordes vocales de substitution. « Je suis déçu, on m’a manqué de respect », clamait-il dans le Guardian daté du 25 septembre 2008. Benoît David n’est certainement pas antipathique, il est même agréable à regarder et à entendre, mais c’est une âme entière d’un groupe respectable et puissant qui se voit ainsi condamnée. Quelle différence entre cette opération marketing suspecte et un travail sincèrement créatif ? Tout. Les trois vieux larrons, les survivants, restent évidemment les clous du spectacle. Mention spéciale pour Steve Howe qui demeure un virtuose incontesté avec son look de quincaillier et un Chris Squire au sommet de son œuvre. Alan White, quant à lui, aura été victime du son tonitruant de l’Olympia qui transformait chacune de ses saillies à la batterie en bouillie sonore. Pauvre public qui s’est déplacé en nombre pour un prix de places fixé à la limite de l’indécence sur fond de seuil de tolérance sonore légal, et qui méritait certainement plus de respect de la part des organisateurs … Ces différents paramètres sont parvenus à ternir une prometteuse soirée vu la programmation assez créative. Hormis les quelques pièces habituelles (« Roundabout », « Owner of a Lonely Heart », « Starship Trooper »), quelques extraits de Drama et Tormato ont été sortis des oubliettes. Les complexités de ces titres particulièrement élaborés n’ont malheureusement pu être mises suffisamment en valeur par l’acoustique poussive de la salle autrefois mythique. En pointant l’oreille sur les réactions du public, un constat amer se dessine : malgré tout le respect qu’on lui doit, le trio originel possède encore une certaine magie, qui a su demeurer. Or quelque chose montre que le temps et son usure progressive ont sérieusement entamé la crédibilité et l’aplomb d’un groupe qui n’a certes plus rien à prouver, mais qu’on presse ardemment de proposer du contenu neuf, sans copier-coller cette fois, avec juste un peu d’audace. Dans le cas contraire, la littérature nous montre qu’il est parfois malsain de ressusciter ce qui n’est plus… Jérôme Walczak site web : Yes |