Porcupine Tree
18/11/2009
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Par Jérôme Walczak
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CONCERT : PORCUPINE TREE
Aussi réussi qu’inégal, aux défauts criants et qualités avouées, The Incident et son fourmillement d’idées sonores résulte sans doute d’une trop forte hétérogénéité. Avec des titres fermement attendus sur scène, notamment « Time Flies », il était temps de vérifier ce que l’album avait vraiment dans le ventre. Première impression devenue banale avec les années : Porcupine Tree n’est plus un groupe limité à quelques fans érudits mais attire au contraire un public varié et nombreux de jeunes, des trentenaires, quinquas, des familles et même quelques enfants sur les épaules de papa. Une notoriété qui tranche avec une image à l’aura de confidentialité parfois distillée par la bande à Steven Wilson, qui lui colle tellement à la peau . Pour l’occasion, l’Olympia a enlevé les sièges et le public attend, sagement et debout. C’est Robert Fripp qui ouvre le bal et une première grande déception émane de l’audience. C’est un fait, le fondateur de King Crimson assène pendant près de trois quarts d’heure une improvisation à la guitare derrière des nappes de claviers. Si une relative monotonie mélodique peut lui être reprochée, le scandale est à imputer aux réactions de quelques personnes dans la salle. On ne siffle pas Robert Fripp, crénom ! Que sa musique soit rébarbative, aux antipodes de celle de Steven Wilson (et encore), d’accord, mais assister à un concert, ce n’est pas prendre un menu à la brasserie en laissant la salade et les betteraves : on goûte de tout, et si on n’aime pas, on se tait. Que ce soit clair, cette réaction bête et infantile confinant au mépris voire au clientélisme a tendance à rendre bien moins sympathique le clou du spectacle. Robert Fripp s’efface sans saluer outrancièrement une salle qui ne lui était visiblement pas acquise. Porcupine Tree est un groupe « léché » et soigné jusque dans sa gestion du temps, d’une ponctualité irréprochable. Comme prévu, c’est l’ensemble du premier disque de The Incident qui est présenté, et à l’instar des Martine à la plage, à la montagne et en forêt, on reste éberlué par le tempo de dingue que le meneur de troupe s’est imposé pour rendre public un disque qui prend pourtant toute sa substance en studio. Steven Wilson commence par un « Occam’s Razor » rocailleux et surpuissant, salue à peine car il n’a visiblement pas le temps. Steven change de guitare, se recoiffe, reprend une autre guitare. Le Britannique a dû changer d’instrument en tout et pour tout une bonne douzaine de fois, sans barguigner. L’heure, c’est l’heure ! Wilson sur scène, c’est évidemment un pur et grand moment de professionnalisme. Tout est sous contrôle, chaque morceau présenté est une copie-carbone de la version studio au son naturellement irréprochable. Le public est conquis et la puissance de certains titres ne se dément pas en concert tels la bombe « Time Flies », le plus râpeux « Octane Twisted » ou son alter ego mélancolique « The Seance », le tout relayé par des vidéos sombres auxquelles le groupe a maintenant habitué son public. Les alternances entre moments très rock et parties plus ambient et méditatives fonctionnent à merveille au casque, mais donnent toutefois quelque peu le tournis lorsqu’elles se succèdent frénétiquement sur scène. Le mastodonte « The Incident » s’achève par « I Drive the Hearse » efficace et indiscutablement réussi (l’ombre de Pink Floyd plane plus que jamais). Bref, pas de réelles surprises pour ce premier set, Wilson n’est pas là pour la rigolade. Le tempo, le tempo, que diable ! Pour patienter, le scénographe a eu l’excellente idée de placer un chronomètre géant sur l’écran qui, malgré son aspect glacial et anxiogène, permet aux gens de décompter les cinq dernières secondes qui précèdent une deuxième partie plus traditionnelle avec quelques morceaux d’anthologie et obligatoires. Encore une fois, planning oblige, les titres sont tronqués. Quelle idée aussi sotte que grenue est donc passée dans la tête de celui qui ressemble de plus en plus à Zouc de ne pas offrir le final [rhaaaa lovely !] de « Russia on Ice » ? Avant « Lazarus », le bon Steven ne peut s’empêcher de contrarier le public le plus assoiffé de gros son en expliquant doctement avec autant d’humour qu’une huître que maintenant, on laisse de côté le metal sauvage pour faire place à la tendresse. C’est fort bien amené et l’ensemble oscille ainsi, souvent pour le meilleur heureusement. Tout s’achève avec le traditionnel « The Sound of Muzak » et « Trains » : il est vingt-trois heures, allez hop hop hop, tout le monde range ! Qu’en conclure ? Si le concert fut solidement maîtrisé, The Incident ne trouve pas sa place sur scène, quand bien même il déborde de trouvailles. Produisant de vrais sons, de magnifiques mélodies et des titres puissants, l’album épuise et s’épuise lorsqu’il est interprété face à un public. S’imposer de le jouer in extenso fut une gageure, ses petites faiblesses de structure se révélant au grand jour. Jérôme Walczak site web : Porcupine Tree |