Yaron Herman Trio - Muse
Sorti le: 11/03/2009
Par Mathieu Carré
Label: Laborie Jazz
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On reconnait les artistes qui nous marquent quand ils réapparaissent alors qu’on ne les avait pas encore vraiment quittés. Ainsi, Yaron Herman, au cœur d’une interminable série de concerts revient déjà avec un nouveau disque qui succède au multi plébiscité A Time for Everything. Mais le temps va décidément très vite pour le précoce pianiste, à peine plus d’un an après un premier concert plein de fraicheur et de talent devant une salle à moitié vide, le chroniqueur le retrouve sur les planches du grand théâtre régional et sa bourgeoisie locale. Le concert sera moins long, moins bon peut-être même que quelques mois auparavant, mais le succès est de nouveau au rendez-vous. Inutile en revanche, d’attendre les musiciens au bar pour une éventuelle poignée de main ou une dédicace comme auparavant. Yaron Herman est devenu grand, incontournable, on l’imagine rapidement tailler des croupières à Brad Mehldau et tout ce succès est plus qu’amplement mérité tant la musique de son trio respire la spontanéité.
La formation reste inchangée : Herman, Matt Brewer et Gerald Cleaver qui reprend sa place à la batterie (alors qu’il est remplacé par l’hirsute Tobby Crane en concert), et encore plus que sur le précédent disque, les trois hommes parlent d’une seule voix. Yaron Herman a toujours tendance à pousser la chansonnette sur son piano, il respire toujours la musique, il s’engouffre en elle. L’urgence d’une frénésie rythmique (« Vertigo », et l’exceptionnel « Lamidbar ») se fait de nouveau sentir et se fraie un chemin à travers les mélodies au piano. MCe nouvel élan va bien au-delà de la simple confirmation d’un artiste qui aurait trouvé sa voie. Herman a trouvé ses voies, ou plutôt, il les explore toutes en même temps avec une naïveté confondante. Dans ces moments de grâce, l’instabilité géniale des concerts ressurgit, en courant vers l’avant, les trois musiciens défient les lois de l’équilibre pour ne jamais retomber. La mélodie, le rythme, tout s’emballe ; en apnée, ils avancent portés juste par leur propre propos et leur inspiration qui pourrait les abandonner d’une seconde à l’autre. Et toujours, le discours tient, évolue et s’enrichit sans jamais sombrer dans la démonstration.
L’album se termine comme il commence par un voyage sur fond de cordes en velours assuré par le Quatuor Ebène, qui sort juste un peu du jazz, pour se noyer dans une musique plus méditative, évoquant un Cinematic Orchestra mobile et sensuel. Ces quelques moments disséminés le long du disque renforcent encore l’impression de maitrise insolente qui se dégage de ce jeune homme. Alors, on est prêt à tout lui pardonner, sa célébrité maintenant presque trop grande, son talent insolent pour n’avoir juste qu’à l’admirer et le voir s’envoler vers des nouveaux défis à sa mesure, qu’il abordera toujours, on l’espère, avec sa désarmante sympathie.