Alfred Schnittke - Symphony n° 9
Sorti le: 09/03/2009
Par Jérémy Bernadou
Label: ECM
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La malédiction de la neuvième symphonie n’aura pas seulement touché Beethoven, Bruckner et autres Mahler… Alfred Schnittke, décédé en 1998, soit quatre ans après le début de l’écriture de la présente œuvre, n’a pu aller au-delà de ce nombre fatidique en raison d’un état de santé fragile. C’est donc le premier enregistrement de la symphonie qui nous intéresse ici, performance de l’orchestre philhamonique de Dresde, dirigé par Dennis Russell Davies, chef d’orchestre qui a déjà fait ses preuves notamment dans le répertoire contemporain (Hans Werner Henze, Arvo Pärt, John Cage..).
Le premier mouvement, plutôt long, fait apparaître un discours parfaitement intelligible, jamais exubérant, toujours empreint d’une profonde mélancolie et d’un aspect « éthéré ». Il est évident qu’au déclin de sa vie, le compositeur malade et très affaibli ne peut livrer une partition sans âme, considérant son catalogue d’œuvres reconnues et déjà beaucoup jouées. Notons par exemple la onzième minute et ses staccatos de cordes qui soutiennent des cuivres brodant un thème désabusé. Les lignes mélodiques se superposent, les accords se mêlent pour tisser chacun son propre chemin au milieu d’une toile sombre et imposante. Malgré l’influence considérable qu’ont pu avoir Chostakovitch ou Prokofiev sur Schnittke, on est ici loin des instants de bravoure des oeuvres de ces derniers. Ici, tout est dégagé et limpide et les déchaînements orchestraux sont rares. La priorité est laissée aux dialogues entre petits groupes d’instrumentistes, aux cordes inquiétantes qui tapissent cet édifice de la plus belle des manières.
Le « Presto » conserve cette richesse de timbres, avec de nombreuses interventions de la part des bois et des cuivres. On ne retrouve pas l’aspect « poly-stylistique » de certaines de ses pages, comme l’illustre l’intervention d’une batterie au cœur de son « Requiem ». L’esprit est donc plus proche des « Psaumes de la repentance », ce superbe opus pour ensemble vocal. Le disque se conclut par une œuvre en hommage à Schnittke, « Nunc dimittis », composée par Alexander Raskatov, compositeur russe en charge de la reconstitution du manuscrit de cette symphonie. Avec un propos plus ouvertement libre, ce morceau fait intervenir orchestre et voix pour un rendu assez personnel, très fouillé, comme un croisement entre les couleurs d’Erkki-Sven Tüür et le dépouillement d’Arvo Pärt.
Cette « Symphonie No. 9 », assez facile d’accès grâce à un vocabulaire fondamentalement tonal, est vraiment à conseiller à ceux qui cherchent une alternative aux symphonistes classiques, ou aux réfractaires d’un certain pathos romantique : cette composition sincère et touchante clôt l’œuvre d’un monsieur considéré comme l’un des maîtres du siècle dernier.