Abel Ganz - The Dangers of Strangers (Rééd.)

Sorti le: 21/11/2008

Par Jean-Philippe Haas

Label: Abel Records

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Qui se souviendrait de ce groupe, hormis les complétistes du néo-prog, si celui-ci n’avait pas sorti cette année-même le sympathique Shooting Albatross ? Pas grand monde, on peut l’affirmer avec certitude. Et pourtant, parmi la horde de groupes ayant embrayé le succès de Marillion au début des années quatre-vingt, Abel Ganz n’est pas le plus obscur. The Dangers of Strangers est même considéré par les amateurs du genre comme un album tout à fait honorable. Fort de leur retour des limbes, les Anglais ont estimé qu’il était temps de dépoussiérer leur œuvre majeure et de lui donner, pour son vingtième anniversaire, une seconde jeunesse grâce à un remaster digne de ce nom et quelques bonus, le tout emballé dans un luxueux digipak.

Avant toute tentative d’écoute, il convient de remettre The Dangers of Strangers dans son époque. Le néo-prog est un genre encore respecté (plus pour longtemps) et les claviers cheesy ne prêtent pas encore à rire. Par ailleurs, Abel Ganz est loin d’être un chef de file et ne brille ni pas sa technique, ni par le dynamisme de sa musique. Il s’agit là d’un néo daté mais honnête qui joue sur les mélodies et les atmosphères.

Bancal, ce disque souffre d’une qualité par trop irrégulière : quelques titres longuets voire simplistes, une voix quelconque et parfois hésitante, celle de Paul Kelly. Ainsi, « The Dangers of Strangers » ne donne pas forcément envie d’aller jusqu’au bout du CD, tant il s’agit d’une accumulation de lourdeurs néo-progressives, plate, molle, avec sa sempiternelle partie centrale plus enlevée… mais pas davantage inspirée. Heureusement, tout n’est pas de ce faible acabit. Dès « Rain Again », on retrouve avec plaisir la voix d’Alan Reed dans un titre beaucoup moins monotone. Jusqu’au bout néanmoins, The Dangers of Strangers alterne le « pas mal » et le « franchement pas terrible ».

Les améliorations apportées par cette réédition pourront peut-être convaincre le néo progressiste indécis. Outre les impressions d’époque consignées dans le livret par les musiciens, on notera la qualité du remaster qui, s’il n’a pas rajeuni l’album de façon absolument flagrante, a considérablement éclairci le son, détaché les instruments et renforcé les basses. La version alternative de « The Dangers of Strangers » offerte en bonus présente quelques variations intéressantes et s’avère être plus digeste car privée de sa section finale. Quant au documentaire de vingt minutes retraçant l’enregistrement du disque, il se regarde sans déplaisir, encore que « documentaire » soit un bien grand mot : il s’agit en vérité d’un montage de séquences en studio mises bout à bout.

The Dangers of Strangers n’était pas un grand album et ne le deviendra pas avec cette réédition. Avec indulgence, on saluera l’effort un peu vain de sortir de l’oubli un disque qui n’en méritait pas tant. Les amateurs de néo troqueront malgré tout volontiers cette luxueuse version contre l’ancienne… ou garderont les deux, plus vraisemblablement.