InsideOut Party
04/06/2008
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Par Christophe Gigon
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CONCERT : BEARDFISH – RITUAL – THE TANGENT
La prestigieuse maison de disques allemande InsideOut Music a pris l’habitude, depuis quelques années déjà, de faire jouer plusieurs groupes de son écurie dans le cadre d’une petite tournée européenne qui ravit toujours les amateurs. En effet, le billet d’entrée permet au mélomane d’apprécier rien de moins que trois des formations parmi les plus intéressantes du rock progressif contemporain. Seule une cinquantaine de personnes a daigné se joindre à cette « InsideOut Party » printanière qui s’annonçait pourtant fort prometteuse. Le bilan, tant artistique que commercial s’avère donc mitigé. Beardfish Set-list : Roulette – Into the Night – Ask Someone Who Knows – The Downward spiral / Chimay Beardfish, formation suédoise composée de bien jeunes musiciens (en tous cas en apparence), peut déjà se targuer de posséder quatre albums à son palmarès depuis 2003. Cette petite tournée lui sert donc à promouvoir son dernier album en date, le très intéressant Sleeping in Traffic: Part II, suite, comme son nom l’indique, de l’album paru en 2007. La musique pratiquée par le quartette est plus originale que les descriptions « publicitaires » lues sur divers sites ou magazines spécialisés pouvaient le laisser présager. Certes, si Mike Portnoy (batteur de Dream Theater) a adoubé ce jeune groupe scandinave, c’est bien qu’une certaine rigueur technique est présente. Mais Beardfish a bien plus que cela à nous offrir. Il l’aura prouvé lors de ce mini-festival dédié au rock progressif et dénué de véritable tête d’affiche. Nonobstant la paronymie de leur nom de groupe avec Spock’s Beard (et Fish), la musique proposée est donc rafraîchissante et finalement assez inattendue. Certes, tout ce qu’on attend d’une formation nordique progressive est bien présent : nappes de mellotron, Moog et Leslie, rythmes hachés et harmonies « déprimantes ». Mais l’utilisation de sons clairs pour les lignes de guitares et un chant assez « pop » concourent à donner une couleur très sixties / seventies à l’ensemble. Peu de soli et une structure assez classique font de Beardfish une sorte de croisement heureux entre Liquid Scarlet et Keane dont l’écoute ne s’avère point désagréable. La prestation de Beardfish, bien que fort courte, a constitué une performance apéritive de bon aloi. « A peine arrivés, à peine repartis » pourrait croire le spectateur surpris par tant de fraîcheur. A signaler que le claviériste de la bande, Rikard Sjöblom, en est aussi le chanteur, ce qui, au niveau de la présence scénique, rend un peu statique la prestation pourtant parfaitement mise en place. Pour le dernier morceau, celui-ci quittera tout de même son îlot de claviers pour venir chanter en front de scène, s’accompagnant d’une guitare électrique. Encore un musicien polymorphe qui pourrait faire de l’ombre à l’infatigable Nick D’Virgilio (Spock’s Beard). Un set bien trop court qui ne permet pas vraiment de se forger un avis définitif sur ce nouveau groupe. Ritual Set-list : The Hemulic Voluntary Band – In the Wild – Infinite Justice – Typhoon’s Decide – Acoustic Medley – A Dangerous Journey Ritual ou l’éternel second couteau du rock progressif, suédois lui aussi. La bande de Patrick Lundström produit d’excellents disques depuis le milieu des années quatre-vingt-dix et a déjà foulé les planches à plusieurs reprises de la terre helvète, en l’occurence celles du mythique Z7, sans avoir jamais eu la chance de se produire malheureusement devant un parterre fourni. Ritual a dû apprendre à faire profil bas pour ne pas jouer en tête d’affiche alors qu’il est, et de loin, le plus ancien groupe de la soirée. Comment comprendre qu’une équipe à l’identité si prononcée et pratiquant un style de musique fort personnel et enthousiasmant ne soit toujours pas reconnu par ses pairs ? Ritual propose une musique dynamique, inspirée autant de dinosaures comme Yes ou Led Zeppelin, que du folklore celtique ou scandinave. Le résultat est décoiffant. Le charisme de cet excellent chanteur qu’est Patrick Landtrüm (sorte de Robert Plant « ethnobabacool ») n’est pas pour rien dans cette facilité que possède le grouped’emmener la (petite) foule avec lui très vite. Le groupe puisera dans sa discographie riche de quatre albums en studio et un disque en public en proposant quelques titres de son dernier (et excellent) disque The Hemulic Voluntary Band sorti l’année passée. Le morceau épique « A Dangerous Journey » sera d’ailleurs joué intégralement et constituera le moment fort de leur concert en permettant au bassiste et au batteur de déployer moult pipeaux, xylophones, flûtes et autres binious. Le milieu du concert sera le moment d’un passage acoustique dans lequel les influences folkloriques du groupe, partiellement évidentes jusque là, éclateront dans toute leur beauté. A coup sûr, le moment fort de la soirée. Comme pour Beardfish, aucun rappel ne leur a été autorisé. The Tangent Set-list : A Crisis in Midlife – Lost in London Part 2 – Forsaken Cathedrals – GPS Culture / The Music That Died Alone – A Sale of Two Souls – Darkest Dreams / Full Gamut / In Earnest The Tangent, ou plutôt la dernière incarnation de celui-ci, naturellement articulée autour du claviériste et chanteur Andy Tillison, aura donc la lourde charge de conclure ce petit festival bien sympathique et sans prétention. Le dernier album de cette entité musicale mobile, Not As Good As the Book, aura été finalement une excellente surprise après trois albums, certes irréprochables et finement exécutés, mais d’un manque d’originalité confinant au grotesque. Le choix des titres exécutés ce soir montre qu’Andy ne renie rien de son passé (pas si lointain, il est vrai) même si les meilleurs passages du dernier album ne seront pas exécutés. La bande est en forme et en rangs serrés derrière son chef d’orchestre, le très humble et sympathique Andy Tillison, excellent claviériste de son état. Il est accompagné du bassiste et du batteur des Flower Kings (Jonas Reingold et Jaime Salazar) ainsi que de l’excellent guitariste Krister Jonsson qui aura mis l’assemblée par terre par sa maestria confondante et son style naturel bluffant, aux croisements de Steve Lukather et David Gilmour. De sacrés musiciens et une mise en place impeccable surtout que la plupart des morceaux exécutés ce soir le seront dans des versions remaniées, raccourcies voire réarrangées afin d’éviter de trop longs moments qui passent mieux dans son salon qu’en concert. Malheureusement, le résultat n’est pas si enthousiasmant qu’il aurait pu l’être. La faute à un leader peu charismatique très occupé derrières ses claviers, séquenceurs et autres portables ? A un chant très ordinaire ? Ou plus simplement, à une musique qui, si elle s’avère complexe et captivante sur disque, devient vite soporifique sur scène ? En tous les cas, The Tangent, malgré la qualité indiscutable de la prestation, n’aura pas redynamisé une salle qui, finalement, n’est pas mécontente d’aller se coucher. Beardfish et Ritual auront mieux su captiver l’auditoire. Belle entreprise que celle proposée par InsideOut Music. Malheureusement, le programme « select » proposé n’aura pas séduit grand monde. Il est vrai qu’il était pour le moins audacieux de proposer une telle « affichette » pour une salle pouvant contenir près de deux mille personnes ! Mais là n’est pas le problème, on a eu beau assister aux premiers concerts de Spock’s Beard devant trente curieux et la salle a été si réceptive, que le groupe s’en est rappelé quand il a fallu sortir un album live (Gluttons for Punishment) en 2005. Finalement, le public en a eu pour son argent. Mais guère plus. Christophe Gigon site web : http://www.insideout.de |
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