United Colors of Sodom

24/02/2008

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Par Brendan Rogel

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Site du groupe :

CONCERT : UNITED COLORS OF SODOM

  Lieu : Tours, Le Petit Faucheux
Date : 22 janvier 2008
Photos : Fabrice Journo

Il y a déjà une décennie que le projet est né discrètement pour disparaître aussitôt de la même manière. Renaissant finalement de ses cendres l’année dernière, United Colors of Sodom s’enrichit encore de quelques membres au passage et se révèle être une troupe de dadaïstes aliénés totalement affranchis du jazz studieux, préférant explorer d’autres horizons musicaux. Leur musique est sûrement absurde, ambitieuse, violente, touffue et ironique mais la seule chose dont on peut vraiment être sûr c’est de n’avoir jamais entendu rien de tel auparavant.

Set-list : Hermes Arcana part I – Hermes Arcana part II – Rappel : Mars

Nous sommes à Tours, ville qui souffre d’un manque de festivités pour un progressien en mal de sensations fortes… Toute la ville ? Non ! Car une salle peuplée d’irréductibles jazzeux résiste encore et toujours. Il s’agit du Petit Faucheux, l’une des rares salles tourangelles qui sait prendre de gros risques. Programmer un mastodonte tel que United Colors of Sodom en est un. Il est 20 heures 30, et il n’y a pas que les places qui sont remplies ; la petite scène est déjà pleine à craquer : un vibraphoniste, un claviériste, un clarinettiste, un flûtiste, un trompettiste, deux saxophonistes, un violoniste, un guitariste, un (contre)bassiste, un DJ-hurleur, un accordéoniste et deux batteurs ! Parmi eux, deux figures marquantes : Jean-Phillipe Morel (à la basse), tête pensante du groupe à qui revient la prouesse de monter un tel projet et Médéric Collignon (cornet de poche, chant et autres vocalises saugrenues). Improvisateur musical exceptionnel (un concentré brut de Miles Davis, Bobby McFerrin et Mike Patton) souvent humoriste, tellement extraverti sur scène qu’on ne sait parfois plus qui est le vrai meneur de la troupe.

Pas d’allocutions cependant ce soir, le silence se fait dans la salle tandis que l’autiste aux platines torture ses jouets bon marché pour en faire sortir des bruits abscons. C’est alors que contre toute attente l’orchestre entame un hymne très poignant et lyrique… puis un peu inquiétant… et la machine s’emballe. On entre alors dans une violente symphonie qui évoquerait singulièrement l’anthologique « De Futura » (Magma), si le DJ qui s’était fait oublier n’était pas venu rajouter avec ses hurlements death une dose de violence supplémentaire (NdlR : Magma comme Meshuggah sont deux influences majeures reconnues par le groupe, c’est dire l’éclectisme !). La lourdeur est d’autant plus appuyée par les cuivres éructants et le jeu complémentaire des deux batteurs, l’un assurément marqué par le metal, l’autre résolument jazz. On croyait déjà avoir atteint le paroxysme du vacarme mais cela repart de plus belle. Les vociférations renchérissent, on croirait entendre un dialogue extraterrestre entre Mike Patton et Klaus Blasquiz. L’atmosphère se détend, déjà des applaudissements retentissent dans la salle mais ce n’est qu’une accalmie. Le temps de reprendre son souffle et l’on retourne à une cacophonie complète. C’est alors que des loupiotes disséminées ça et là sur la scène se mettent à clignoter successivement, manoeuvrant chaque musicien qu’elles éclairent, comme un chef d’orchestre. C’est là qu’on remarque que le groupe est à voir en concert, bien qu’un peu « too much » pour les âmes sensibles, mais United est par définition excessif. Cette longue cavalcade conclut finalement la première partie. Une fois encore, on nous laisse tout juste le temps d’expirer avant de plonger dans le second chapitre de la pièce principale intitulée « Hermes Arcana ». Glockenspiel et accordéon en avant, nous sommes immergés dans un climat poussif qui a un arrière goût de Rock In Opposition (on pense plus particulièrement à Hamster Theatre). On a beau savoir que cela va éclater, cela reste toujours aussi jouissif. On a le droit à un brouhaha du même acabit que précédemment, et on nous hurle à la face des propos peu compréhensibles (mais sûrement pas très sympathiques) sur les rythmes alambiquées que les batteurs nous martèlent. Érection capillaire assurée. Une scène d’épouvante ! L’adrénaline monte au fur et à mesure que le rythme s’accélère et… un cri net et suraigu coupe court à soixante-dix minutes de folie.

L’ovation méritée aboutit évidemment à un rappel immédiat. En réponse à un public étourdi mais qui en demande encore, Jean-Philippe Morel présente Mars, une composition de 1916 par Gustav Holst, tirée de la saga des Planètes. Mais cela vous parlera peut-être plus présenté sous le nom de « Devil’s Triangle » par King Crimson. Ce dernier l’avait déjà transcrite aux sonorités de son époque mais United Colors of Sodom ose une revisite complète à sa manière. Rapidement on peut confirmer que ce n’est pas une de leurs compositions : la rythmique martiale et les cuivres qui se recadrent dans quelque chose de plus mélodique ramène un peu d’ordre pour conclure ce concert apocalyptique. On fait le point : un show complètement allumé de jazzmen dadaïstes qui ne font pas de concessions et qui savent éviter les longueurs inutiles (exercice d’autant plus difficile dans une pièce de soixante-dix minutes !), le plus impressionant étant qu’un tel ramdam reste aussi captivant pendant toute la durée du spectacle. Seul regret, le nombre conséquent de musiciens sur scène (ainsi que la musique très écrite) interdit presque toute intervention personnelle. Frustrant, vu le niveau technique général : le guitariste sur sa sept cordes ne fait que de la rythmique et Médéric Collignon est presque en retrait. Mais ce n’est qu’un détail. Il ne reste plus qu’à espérer que l’album actuellement en enregistrement soit gratifié d’une production à la hauteur de cette grande messe métallique.

Brendan Rogel

site web : http://www.myspace.com/unitedcolorsofsodom

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