Radio Massacre Internat'l - Rain Falls in Grey
Sorti le: 22/01/2008
Par Mathieu Carré
Label: Cuneiform Records / Orkhestra
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Un seul être vous manque et tout est dépeuplé
(Alphonse de Lamartine)
Nous sommes le 7 juillet 2006 et Syd Barrett, le météorique leader de Pink Floyd vient d’abandonner définitivement son jardin et surtout les tourments intérieurs qui le tiraillaient depuis plus de trente ans. A l’instar de Bobby Fischer délaissant les échecs de son génie ou d’Arthur Rimbaud embarquant vers son Afrique, il avait depuis des années mis à l’écart ce pourquoi tant de personnes l’adoraient, et comme eux a eu l’étrange privilège de disparaitre deux fois. En souvenir de ce prophète maintenant définitivement absent, le groupe anglais de space rock électronique Radio Massacre International offre aux millions d’admirateur de Pink Floyd un retour vers le début des années 1970 entre hommage musical et exercice de style.
Forts d’une solide expérience et idéalement introduits par une pochette signée Daevid Allen digne de ses meilleures productions « gonguesques », Steve Dinsdale (claviers, batterie, électronique), Duncan Goddard (claviers, basse, électronique) et Gary Houghton (guitare et…. claviers !) mettent la machine à remonter dans le temps en branle. 5, 4, 3, 2, 1, 0, un éclair violet, une chemise à fleurs, un clin d’œil à Timothy Leary et « Rain Falls in Grey » commence. Le morceau éponyme en dix-sept minutes stupéfiantes ressemble à un petit miracle, mélangeant toutes les influences avec un réel bonheur. On trouve ainsi du Soft Machine (saxophone en rut et quelques délires d’introduction 15 %), du Can (rythmiques obsédantes 30 %), du Tangerine Dream (final de plusieurs minutes de rien aromatisées aux claviers 20 %) et bien sur du Pink Floyd (lâchers de notes en grappes Gilmouriennes 15 %) du Pink Floyd (chorale des psilocybes à la « Atom Heart Mother » 10 %) et du Pink Floyd (production irréprochable 10%) ! Associé à son court pendant judicieusement dénommé « Syd », le charme agit sans retenue et Radio Massacre International replonge au cœur des années psychédéliques avec un talent indéniable. Il est donc dommage que l’intensité et l’inventivité fassent cruellement défaut sur le reste de l’album, qui s’embourbe dans les mêmes poncifs sans parvenir à les transcender à nouveau. Et si « Emissary », plus orienté vers un space rock planant reste un agréable voyage pour qui a mis ce qu’il fallait dans son gâteau au chocolat dominical, l’ultime » …Far away » est en revanche clairement de trop. Quitte à faire un bel hommage aux années 1970, le retour à une durée plus réduite n’aurait lésé personne et permis de rendre un résultat plus homogène et convaincant.
A l’heure du bilan, de la sentence, la décision est dure. Si on considère que Pink Floyd et consorts n’ont pas produit assez de disques durant leurs périodes fastes, il faudra se démener corps et biens pour ce disque irréprochable techniquement, fruit d’une démarche dont l’honnêteté ne saurait être mise en doute. En cas d’idolâtrie modérée, les sautes d’inspirations pourraient bien s’avérer rédhibitoires, même si le voyage inaugural de dix-sept minutes dans un monde où Syd Barrett sourit encore se doit d’être vécu.