Twelfth Night - Voices In The Night
Sorti le: 28/07/2007
Par Jean-Philippe Haas
Label: Cyclops Records
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Twelfth Night est un cas assez mystérieux. En effet, comment un groupe a priori secondaire de la résurgence du rock progressif au début des années 80, à la discographie de surcroît assez limitée, a-t-il pu donner lieu à tant de rééditions (l’intégralité de leur discographie, un DVD) et d’archives live (une dizaine en disque ainsi qu’un DVD, en comptant celles du fan-club de Geoff Mann) ces dernières années ?
Plusieurs explications peuvent être raisonnablement avancées. Tout d’abord, Twelfth Night doit son importante vie posthume à Brian Devoil, ancien batteur du groupe, ainsi qu’à la passion de Mark Hughes (chroniqueur chez nos confrères de chez Dutch Progressive Rock Page) et Andy Clegg, du label Cyclops Records. Pourquoi un tel enthousiasme pour un simple groupe de néo-prog’ underground ? Peut-être parce que Twelfth Night n’est PAS un groupe de néo-prog’, mais plutôt un ovni, un hybride abâtardi apparu à la fin des années 70. Groupe instrumental à ses débuts, Twelfth Night a connu une vie assez chaotique et des directions musicales plutôt instables jusqu’à son décès « officiel » en 1987. Par ailleurs, le charisme de Geoff Mann, chanteur du groupe entre 1981 et 1983, au destin tragique, a fortement contribué à une notoriété certes confidentielle, mais dont les traces subsistent encore aujourd’hui dans le microcosme du rock progressif. Sa carrière solo, son engagement religieux, son ultime participation à la compilation Collector’s Item en 1991 (cf. notre chronique) et l’album hommage qui lui a été consacré en 1994 (Mannerisms, réédité en 2000 par Verglas) ont également contribué à la réputation de Twelth Night. Enfin, et surtout, Twelfth Night est un groupe complètement sous-estimé. « The Last Human Gateway » ou « Grendel » sont des noms familiers aux oreilles des fans de rock progressif des années 80. Mais qui se souvient de « We Are Sane », « Creepshow » (Fact and Fiction, 1982), « Take A Look » (XII), « Sequences » et « The Collector » (Collector’s Item) ? Ces titres ne pâlissent pourtant pas un seul instant face à leurs plus illustres homologues.
Après ce long mais nécessaire préambule, penchons-nous sur cette compilation d’inédits studio et live. Le but de ce double CD est de présenter la face cachée et/ou oubliée de Twelfth Night, en mettant en lumière tous les vocalistes ayant contribué à la carrière anarchique du groupe. Précisons toutefois que cette compilation n’est pas spécialement axée sur la face progressive de Twelfth Night : une grande partie des titres exhumés présentent ainsi le côté direct, rock, pop, et même parfois new-wave du groupe. Quel est dès lors l’intérêt d’un tel objet ? Réellement discutable pour qui est étranger au groupe, absolument indispensable comme mine de raretés pour ses admirateurs. La qualité sonore est évidemment très variable selon l’âge et la source de l’enregistrement, qu’il s’agisse de démos ou d’enregistrements en concert.
Voices In The Night lève entre autres le voile sur l’ « avant » et l’ « après » Twelfth Night « chanté », soit avant l’arrivée de Geoff Mann et après le départ d’Andy Sears. On y découvre les balbutiements d’un groupe cherchant son style, entre hard rock progressif et space rock, jusqu’à son orientation finale, très FM, telle qu’elle est révélée ici avec Martyn Watson, son ultime chanteur.
Les débuts de Twelfth Night sont instrumentaux, dans un style hard rock déjà très progressif. En 1980, le groupe recrute Electra McLeod, avec qui il enregistre une démo de quatre titres, dont trois chantés. Si l’interprétation d’Electra peine parfois à coller à la musique (notamment sur « Aspiditra »), on peut déjà sentir l’impérieuse nécessité d’une trame vocale à la hauteur des compositions à la fois mélodiques et complexes de Twelfth Night.
Après cette courte collaboration, le groupe auditionne de nouveaux chanteurs, dont Ian Lloyd Jones. « Late Night TV », titre très direct, plutôt new wave et pas franchement passionnant, est enregistré durant cette période. Il devient très vite évident que le frontman recherché ne peut-être que Geoff Mann, qui chante avec Twelfth Night en tant qu’invité en 1979. Après réflexion, Mann accepte la proposition et ainsi, avec un chanteur parolier charismatique sous le bras, Twelfth Night entame une courte période aboutissant à un début de reconnaissance. Les titres présentés ici constituent les embryons de ceux qui figureront sur la première pièce maîtresse du groupe, Fact and Fiction (1982). Il est ainsi amusant de comparer la demo de « Fact And Fiction » chanté par Geoff Mann avec le laborieux « Don’t Make Me Laugh » (le même titre, renommé) d’Axe, auditionné après le départ de Mann. A noter que « Art and Illusion », chanté ici par Geoff Mann, sera régulièrement joué en concert (le second CD en propose une excellente version live) et repris plus tard par Andy Sears sur le EP éponyme.
A la fin de l’année 1983, Geoff Mann quitte le groupe pour pouvoir s’exprimer plus librement et plus conformément à son engagement religieux (…ça ne vous rappelle rien ?). La popularité de Twelfth Night est alors grandissante et il devient indispensable de trouver un remplaçant qui sera à la hauteur. Mais contre toute attente, c’est un chanteur aux antipodes de son prédécesseur qui est recruté. Andy Sears évolue en effet dans un registre plus aigu, plus technique, plus maniéré aussi, et constitue le candidat idéal pour une nouvelle orientation musicale : un rock direct, aux accents FM, conservant néanmoins une grande sophistication. Les inédits de cette période figurant sur le disque sont des chutes (assez représentatives) de l’album XII (cf notre chronique) tandis que les interprétations live d’Andy Sears, dont l’excellent « Take A Look » sont tirées de ce même album. Malgré une signature avec Virgin et les indéniables qualités de XII, le succès n’est pas au rendez-vous, et Andy Sears s’en va, relevé par Martyn Watson. Twelfth Night poursuit encore un temps l’aventure avec son nouveau chanteur, enregistre quelques démos jouées devant des représentants de Virgin (cf le second disque) et donne un ultime concert au Marquee, dont est tiré cette émouvante version de « Love Song » interprétée par le duo Geoff Mann-Andy Sears, avec Martyn Watson à la basse.
A noter aussi la présence du titre « Piccadilly Square », tiré de l’excellent Mannersims.
Témoin du parcours chaotique d’une formation en marge du néo-progressif, cette compilation d’inédits démontre, s’il est besoin, que Twelfth Night n’aura eu de cesse que d’évoluer, se moquant souvent des tendances ou des modes et construisant, au fil d’une petite dizaine d’année d’une carrière laborieuse, sa propre version du rock des années 80.