Symphony X - Paradise Lost
Sorti le: 24/06/2007
Par Jean-Philippe Haas
Label: Inside Out
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Au terme de presque cinq années de gestation, Paradise Lost promettait d’être une sorte de messie dans l’univers morose et désespérément prévisible du heavy metal progressif. Dès le début du processus de composition, les déclarations de Michael Romeo laissaient supposer un album encore plus heavy que ses prédécesseurs, plus sombre, aux influences classiques, bien que restant progressif et dans la lignée des disques précédents. Des projets solos, le Gigantour 2005 puis la maladie de Michael Lepond furent autant de facteurs de retard dans la réalisation de ce nouvel album. Mais la voilà enfin, cette arlésienne tant attendue…
… et autant lâcher le morceau sans attendre : Paradise Lost ne tient qu’une partie de ses promesses. Après avoir exploré le concept album avec V : The New Mythology Suite et considérablement durci le ton avec The Odyssey, il semblerait que Symphony X ne sache plus vraiment sur quel pied danser. Poursuivre sur la lignée de The Odyssey en enfonçant la pédale d’agressivité tout en conservant quelques généreuses pelletées de prog’ ? Revenir aux amours plus néoclassiques et chromées de The Divine Wings Of Tragedy ? Renouer avec l’album conceptuel ? A l’évidence, Symphony X a décidé de ménager la chèvre et le chou en mélangeant allègrement tout cela.
Et forcément, le résultat est mitigé. Dans la catégorie ratages, tout d’abord, nous avons « The Serpent’s Kiss », qui peut prétendre au titre de morceau le plus inutile et le moins inspiré de toute la discographie de Symphony X, premier album compris. Puissant, certes. Magistralement interprété, certes. Mais vide, sans la moindre once d’originalité. Tout juste digne de figurer en bonus sur une édition japonaise. C’est le cas aussi dans une moindre mesure, de « The Sacrifice », power ballade très proprette sauvée de justesse par Russel Allen… qui porte souvent l’album à bout de bras, avouons-le. « The Walls Of Babylon » rappellera furieusement le titre éponyme de The Divine Wings Of Tragedy, alignant les unes après les autres toutes les ficelles de son aîné. Epique, mais convenu. Autre grand regret, la discrétion désespérante de Michael Pinella sur les morceaux les plus agressifs, à l’image de Jordan Rudess sur certains titres de Train of Thoughts : tout juste bon à faire du remplissage au fond du studio. Son talent est fort heureusement mis en valeur sur les compositions plus calmes ou plus complexes, comme « Paradise Lost », « Revelation » ou lors des désormais célèbres duels guitare/clavier si chers au groupe. Il reste cependant terriblement sous-exploité en regard de ses apports magistraux sur V et même sur The Odyssey.
Mais Symphony X n’est pas un groupe de metal parmi d’autres et Paradise Lost réserve son lot de bonnes grosses mandales. On savait déjà Russel Allen capable d’interpréter à peu près n’importe quoi avec une classe et une facilité déconcertante, il se révèle ici être crédible, voire « facile » dans tous les exercices de style : comme crooner (« Paradise Lost »), dans la régurgitation de tripes (« Domination ») en passant par le lyrisme glorieux (« Seven »). Michael Romeo prouve de son côté qu’il est toujours capable d’enfanter des riffs dévastateurs sortis tout droit de chez tonton Hadès, comme sur « Domination » ou l’énorme « Revelation », seul titre de l’album pouvant par ailleurs prétendre au qualificatif de « progressif ». Des morceaux taillés pour la scène qui donnent envie de dire à ces messieurs qu’un DVD s’impose dans les plus brefs délais ! Paradise Lost ne décevra d’ailleurs pas les assoiffés d’hymnes fastueux : qu’il s’agisse de l’introduction orchestrale « Oculus Ex Inferni », de « Set The World On Fire », « Eve Of Seduction » ou l’évident « Seven », de nombreux poings pourront être brandis et de non moins nombreux Pégases chevauchés. Et l’honneur sera sauf car malgré quelques réminiscences néoclassiques et speed metal évidentes, ces titres ne tombent jamais dans la facilité du cliché germano-finlandais (suivez mon regard) grâce notamment à la dextérité inspirée de Michael Romeo et au chant impérial de Russel Allen, ne sacrifiant jamais aux habituels cris de vierges effarouchées.
Symphony X cherche indiscutablement sa voie. Mélange plutôt réussi entre The Divine Wings Of Tragedy et The Odyssey, Paradise Lost n’a pourtant ni l’éclat du premier ni la constance du second. Ce nque, le plus souvent située dans une sphère musicale pointue mais néanmoins accessible. Au regard de ces dispositions, si le premier album éponyme de Far Corner avait intrigué, finalement, on a pu le juger laborieux et bavard ou même trop économe avec l’imagination, défaut que sa longueur excessive ne pouvait que rendre plus difficile encore à accepter. C’est donc sans avoir été convaincu par cette première tentative qu’Endangered s’est fait attendre pendant trois années. Le groupe ayant de grandes ambitions dans l’écriture, allait-il se débarrasser de ses défauts pour proposer quelque chose de mieux maîtrisé et de plus aventureux ?…