Pain of Salvation - Scarsick

Sorti le: 22/01/2007

Par Aleksandr Lézy

Label: InsideOut Music

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Plutôt que de se réjouir à la sortie d’un disque des suédois de Pain Of Salvation, on en vient depuis deux albums à adopter la même attitude qu’à la sortie d’un disque de Dream Theater. Encore un changement, une nouvelle direction ? Est-ce le sort qu’un groupe de ce niveau est en droit de mériter ? Le fan se pose la question de savoir si l’album va ressembler au précédent qui ne lui avait pas plu alors qu’il adore le groupe, ou s’il va être plus métal ou plus technique comme celui d’encore avant. La réelle problématique réside dans le fait que les groupes de progressif moderne ont compris qu’ils ne peuvent plus se permettre d’enfanter deux fois d’affilée du même album. Une façon de surprendre mais aussi de proposer un produit neuf à l’auditeur. Une façon aussi pour le groupe de s’amuser probablement, de sortir d’une routine qu’il s’est lui-même créée. Daniel Gildenlöw, mentor du groupe et de toute une génération de « progueux » qui s’identifient à un style tout particulier, est un homme d’une grande intelligence, tout pour lui est mûrement réfléchi alors pour une fois, essayons de faire confiance à ce groupe extrêmement méritant.

Scarsick est le sixième album studio de Pain Of Salvation. Successeur de Be qui avait surpris par le tournant résolument plus personnel, moins métal, plus simple d’apparence et surtout très conceptuel, Scarsick a la délicate tâche de refaire le lien entre deux périodes de la discographie. Réduit à quatre sans le frère de Daniel, Kristoffer, PoS ne recule devant rien et offre pour son dixième anniversaire un nouvel album comportant autant de titres que de chandelles, apparaissant de prime abord plus rentre dedans.
Pain Of Salvation fait le ménage dans sa propre musique et opère quelques modifications bonnes à être signalées. Si d’apparence, leur musique paraît plus simple qu’auparavant, ceci n’est que partiellement vrai. Les formules musicales sont effectivement plus simples, épurées au profit cependant d’un énorme travail d’arrangements. Voix doublées, voire triplées par ci par là, nombreux sons de guitares s’entremêlant, avec un souci du détail maladif sur les ambiances. Les titres sont longs, au format couplet / refrain. Les intensifications de puissance et de tensions au sein des morceaux sont toujours présentes, on n’oublie cependant pas les soli de guitares, les riffs démonstratifs, les séquences de piano. L’équilibre entre morceaux pêchus et plus calmes et mélodiques est respecté dans un souci de clarté architecturale de l’ensemble.

Les points communs significatifs des morceaux métal sont le chant rap très présent sur le disque et les riffs néo métal. L’influence Faith No More montre le bout de son nez. Comme d’habitude, le chant s’octroie la part belle avec beaucoup de texte. Les influences varient de plus en plus et le concept du disque avec l’Amérique en toile de fond taille des costards au disco sur « Disco Queen » en pastichant le style de manière humoristique, les années 1980 avec un clin d’œil à Kim Wilde, à la radio et au banjo sur « America », et aux ambiances Far West à la Ennio Morricone sur « Idiocracy ». Un élément de taille vient pourtant en plus se poser là comme une question essentielle. Lorsque le titre « Kingdom Of Loss » apparaît écrit sur la pochette, il est non sans rappeler le « King Of Loss » de The Perfect Element. Scarsick serait-il alors la suite déguisée, en clair The Perfect Element, part 2 ? Il est vraisemblable que oui ! Le concept développe des similitudes avec le premier volet à travers les yeux du garçon qui découvre le monde par le biais de la télévision, d’une certaine manière à travers les dysfonctionnements de la société américaine, l’effet miroir. « Enter Rain » clôture l’album rappelant le dernier morceau de The Perfect Element « The Perfect Element » à la différence qu’il y a là une énorme frustration lorsque le succinct « fade out » fait disparaître la musique. Prédiction : un troisième volet !

Si le son sur The Perfect Element était comme le nom de l’album l’indique parfait, les recherches du groupe concernant ses méthodes d’enregistrement dans son propre studio laisse un petit goût bizarre dans l’oreille. Daniel qui chante, joue la guitare et la basse cette fois, se laisse emporter sur le mixage de cette dernière, mise bien plus en avant que lorsque son frère jouait. De plus, les sons de guitare contrairement à celui de la batterie, ne montrent pas leur meilleure facette. Les nouvelles signatures chez le polonais Mayones alliées à des simulateurs d’amplis de type POD chers au groupe, malgré la satisfaction de Daniel à leur sujet, sonnent de manière peu naturelles et surfaites. L’ensemble est bien évidemment satisfaisant, même si l’on souhaiterait ces quelques détails disparaître à l’avenir.

Comme à chaque fois, l’écoute d’un nouveau PoS mérite quelques écoutes. La première pour percevoir de quoi il s’agit, la seconde pour se familiariser avec de nouveaux codes, de nouveaux choix et perspectives musicales, les suivantes pour apprécier, adorer ou détester. Scarsick est encore une fois un très bon album qui s’affranchit de tous les clichés du métal progressif, tout en gardant l’âme du genre. Pain Of Salvation surprend encore et c’est bien ça l’essentiel !