Silent Voices - Building Up The Apathy
Sorti le: 03/06/2006
Par Jean-Philippe Haas
Label: Replica Records
Site:
La Finlande, l’autre pays du heavy metal glorieux à prétention progressive. Après Stratovarius, Nightwish, Sonata Arctica, voici ces messieurs de Silent Voices. Ce projet parallèle de Henrik Klingenberg (claviériste de Sonata Arctica) n’en est pas à son coup d’essai puisque Building Up The Apathy n’est rien de moins que leur troisième album studio. Infernal, le précédent, ayant recueilli d’élogieuses critiques, on était en droit de s’attendre à ce qu’il est convenu d’appeler un « album de la maturité » pour ce troisième essai. Il s’agit en l’occurrence plutôt de l’album de la continuité où la prise de risque est quasi-nulle.
Silent Voices, disons-le d’emblée, n’a pas davantage avec Building Up The Apathy qu’avec ses deux prédécesseurs une quelconque chance de tirer son épingle du jeu de la fourmilière des combos concurrents. Cet album aurait pu voir le jour au lendemain de la sortie d’Awake de Dream Theater. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un énième croisement entre metal progressif et metal symphonique. Il est même surréaliste d’associer le terme progressif à un album qui accuse une bonne décennie de retard sur les canons du genre. Tous les clichés propres à ce style sont en effet présents : riffs interprétés à la tronçonneuse, duels guitare-clavier, alternance de passages calmes et puissants, nappes de claviers atmosphériques, cassures de rythmes, titres à rallonge (entre 6 et 10 minutes), quelques refrains-hymnes, ballade obligatoire (« Hollowed »)… Le sommet ultime est atteint avec « Into The Flow », compilation de dix minutes contenant la quasi-totalité des ingrédients de tout bon ragoût de metal progressif qui se respecte. Cette accumulation de gimmicks est très rapidement soporifique. Le pire défaut de cet album – et c’est une tare particulièrement répandue chez les suiveurs – est donc de souffrir d’une totale absence de personnalité. On ne retient rien (ou pas grand-chose) des huit compositions, bien qu’elles soient loin d’être simplistes mais à force de trop vouloir en faire, nos finlandais ne parviennent qu’à produire des morceaux surchargés et patauds.
Silent Voices n’est pourtant pas un cas désespéré, de bonnes choses flottent tant bien que mal sur cet océan de conformisme, à commencer par la maîtrise instrumentale incontestable des musiciens. Une vague tentative dans la recherche de sonorités moins convenues peut également être soulignée (Grand jeu-concours printanier : un piano jazzy s’est timidement glissé dans l’une des compositions. A vous de le retrouver !). Côté chant, on évite l’archétype des chanteurs scandinaves évoluant dans cette catégorie : chant « lyrique » haut perché, maniérisme, accent à couper au couteau. Michael Henneken, dont le timbre est proche de celui d’Andy Kuntz (Vanden Plas), s’en sort fort honorablement, évitant la plupart du temps les ultrasons. Par ailleurs, tout cela est fort bien produit. Mais il ne s’agit que d’emballage. Et c’est là que réside le paradoxe de ce genre de groupes : talentueux, très professionnels, mais sans originalité. Silent Voices n’est pour le moment pas autre chose qu’un ersatz de Dream Theater à la sauce nordique.