Time of Orchids - Sarcast While
Sorti le: 31/05/2005
Par Djul
Label: Tzadik / Orkhestra
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Parmi les OVNIs qui atterrissent de temps à autre à la rédaction, Time of Orchids se distingue comme étant le plus improbable d’entre eux. Quatuor barjot, déjà auteur de plusieurs disques sur lesquels de nombreux invités se succèdent – dont Much Too Much Fun avec, hé oui, Kate Pierson (B-52’s) pour un résultat aussi éloigné que possible de « Love Shack » – le groupe a récemment rejoint le label Tzadik, toujours à la recherche des talents les plus singuliers qui soient.
Sarcast While est donc le dernier-né de l’imagination torturée de Chuck Stern, chanteur/claviériste de la formation, aidé par Julee Cruise – chanteuse sur la mythique bande originale de Twin Peaks et d’autres lyncheries – une autre chanteuse et un trompettiste. Comment décrire Time of Orchids ? Son label parle de « dark metal, hard-prog-rock ou musique industrielle », soit une musique que l’on pressent relaxante et mélodique… . Et il est vrai que cette heure passée avec Sarcast While glace plutôt, à l’image de sa sépulcrale pochette. Entre titres d’une minute à peine, morceaux typés metal à la Bungle et odyssées épiques de dix minutes, le voyage n’est pas de tout repos. Les titres marqués par l’influence noisy et les hurlements hantés de Stern sont finalement peu nombreux tandis que les courtes transitions prennent plus la forme de conclusions ambient aux morceaux auxquels ils succèdent.
Mais l’Orchidée peut mieux s’épanouir encore sur des compositions long format, à l’échelle de leur compulsive inventivité. Car si ces morceaux sont de véritables enchaînements de grande variété, le tout est très expressif – comprendre : glauque – et la voix lyrique de Julee Cruise plane comme un mauvais présage, pour offrir des conclusions toutes plus poignantes les unes que les autres. Ainsi, l’enchaînement de « Harness Well-Wishers », structuré autour d’un piano inquiétant et de quelques pulsations de guitares saturées, avec « Man to Hide », où les voix de Chuck et de Julee s’entrelacent dans une ambiance à la Angelo Badalamenti, à la fois torturée et délicatement folk, laisse entrevoir ce qu’est Time of Orchids : le Sigur Ros du metal, ni plus ni moins. Mais c’est « Swarm of Hope », composition de plus de dix minutes, qui finit de séduire : débutant sur un rythme à la Faith No More, abrupt et violent, où le groupe est à la limite de la syncope, il se développe en un métal atmosphérique laissant Chuck Stern exposer sa magnifique voix de tête avant que le même thème prenne des contours du Genesis de A Trick of the Tail, avec ses nappes douces-amères de claviers et sa guitare délicate. Un chef d’œuvre qui fait rapprocher « Swarm of Hope » de l’esprit novateur du « Third Eye » de Tool.
Si l’aspect parfois cacophonique de l’ensemble peut rebuter et fait de Time of Orchids un groupe moins facile d’accès que d’autres découvertes récentes comme Oceansize ou Trail of Dead, sa singularité force le respect et fait de lui le porte-drapeau d’un genre nouveau : le « post metal ». Voici un groupe terriblement excitant à défaut d’être accessible, et un des albums importants de ce début de siècle.