Richard Pinhas - Tranzition

Sorti le: 01/03/2004

Par Djul

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

Site:

Guitariste et claviériste culte au sein de Heldon dans les années soixante-dix puis en solo, Richard Pinhas est une figure de proue de l’underground français, et une personnalité à part. Philosophe (élève de Gilles Deleuze, dont il gère un site recueillant les cours et propos) et collaborateur de l’écrivain déjanté Maurice Dantec avec qui il a co-écrit Life & Death of Marie Zorn ou Only Chaos Is Real, Pinhas est aussi l’un des pionniers de la musique électronique, sans jamais renier une attitude résolument rock. Après une série de disques dans les années quatre-vingt (dont L’Ethique, chroniqué dans Progressia version papier), ce touche-à-tout avait connu une période d’accalmie, récemment interrompue par la sortie de Event and Repetitions, un album particulièrement atmosphérique à la Tangerine Dream, qui nous avait laissé un peu perplexe de par son abstraction.

Tranzition est un disque entre rupture et continuité par rapport à ses dernières œuvres atmosphériques. Partant de la même idée de départ, une guitare couplée à des synthétiseurs et des instruments électroniques permettant de générer plusieurs strates de sons en même temps, Pinhas s’est adjoint les services de l’actuel chanteur d’un groupe dont il est proche, Magma, soit Antoine Paganotti (ici à la batterie), et de Jérôme Schmidt qui, avec son ordinateur portable, l’avait déjà soutenu en concert. Cet ajout offre un nouveau cadre à la musique électronique et multidirectionnelle de Pinhas, lui apportant des rythmiques modernes et très énergiques, mises au service d’un son à la fois massif et planant.
Le disque en sort grandi et Tranzition capte l’attention bien plus facilement que son prédécesseur. Ainsi, si les derniers travaux solos de Robert Fripp de restent une influence indéniable pour Pinhas, notamment sur l’éthéré « Metatron (an Introduction to) », le Français et ses compères proposent une musique bien plus énergique et « accessible » que l’œuvre du guitariste de Krimson.

La frappe omniprésente de Paganotti, dotée d’un son calfeutré comme sur l’excellent « Tranzition », permet à la musique de Pinhas de se dynamiser. Sur « Dextro », le procédé est poussé à l’extrême, le groupe jouant également sur le volume des boucles, et sur « Moumoune girl », après des murmures du génial Philip K. Dick (brillant auteur des romans Total Recall, Minority Report, Blade Runner, Paycheck…) un break final surpuissant conclue l’ensemble sur un solo déchaîné de Pinhas, enregistré en concert à la Cigale en 2002.

Avant-gardiste et sans concession, la musique de Pinhas intrigue aussi par le fait que celui qui l’écoute y entendra ce qu’il voudra, selon son état d’esprit. Une perspective abstraite nouvelle en musique, mais déjà bien développée dans d’autres formes d’art, picturales en particulier.