Enhuma - La tête dans la chèvre
Sorti le: 22/10/2006
Par Christophe Manhès
Label: Figurine Burlesque
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Formé en 2003 et originaire de Brest, Enhuma se compose de quatre jeunes musiciens hyper-doués et bien déterminés à faire entendre leur conception novatrice du rock, le fraggle rock, un mélange détonant entre rock expérimental, funk, metal et jazz, légèrement assaisonné de pop. De nombreux concerts et une démo en 2004 contenant leur potion magique aux vertus énergétiques ont largement eu de quoi convaincre du talent de nos brestois.
On attendait donc avec impatience le passage en studio du groupe. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’ont pas laissé passer leur chance : avec La tête dans la chèvre, Enhuma nous offre une petite bombe à fragmentation musicale dont chaque écoute nous laisse de plus en plus dépendant.
Pour décrire leur musique une chose est évidente : chez Enhuma on sent une véritable passion musicale pour tous les derniers dieux de l’underground américain. Si, à travers leur boulimie de sensations fortes et variées, on reconnaît l’influence majeure de Mike Patton qui a marqué, on s’en rend compte aujourd’hui, toute une génération d’éclectiques furibards, d’autres références apparaissent désormais plus clairement dont Kayo Dot n’est pas la moindre (le final de « The Last Cartoon » par exemple). D’un temps fort à l’autre on pense à Time Of Orchids, Sleepytime Gorilla Museum, Primus et même à The Police dans les passages les plus pop/rock. Et pour les grands anciens, c’est évidemment du côté de l’esprit frappeur de Zappa qui faut chercher, comme de celui du metal typé et précurseur du premier Gnidrolog. Bref, Enhuma a de l’ambition, du goût et du brio.
Côté compositions, la maturité surprend, à tel point qu’il est impossible d’extraire un titre sans faire injure aux autres. Efficaces, souvent enchaînés à de petits et inventifs digestifs sonores, on passe d’un très loufoque « The Last Cartoon » à des titres tendus, progressifs et puissants comme « Porky Pink Lady » pour finir sur des accents métalliques malsains à la Mr Bungle. Cardiaques s’abstenir. Mais le tout étant relevé d’un formidable sens mélodique et du burlesque plutôt rare dans un contexte aussi pointu, jamais l’attention ne décroche.
D’une maîtrise instrumentale irréprochable et servi par une production au son clair et sans artifices, Enhuma nous offre donc un authentique festin de roi. Et c’est l’extraordinaire habileté du groupe que de pouvoir intégrer dans son chaudron des références aussi prestigieuses sans jamais manquer pour autant de style et de cohésion. L’humour, la variété et une petite touche d’onirisme capable d’accrocher les néophytes du genre, font de cet album un formidable abrégé, original et haut en couleurs, des tendances rock/metal les plus créatives du moment.
Avec cet indispensable album, Enhuma, tout en restant accessible, vient de rentrer dans le carré VIP des cadors de la musique d’allumés, ce qui pour un premier album est une formidable prouesse. En Gaule, après Biocide et les très regrettés Zaar, le cru 2006 des irréductibles au rock pasteurisé est d’ores et déjà prestigieux. La cervoise peut couler à flot. Trinquons.