Fantomas - Suspended Animation
Sorti le: 24/06/2005
Par Aleksandr Lézy
Label: Ipecac Recordings
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Mike Patton, on ne le répètera jamais assez, est l’un des personnages les plus prolifiques de ces vingt dernières années, à l’instar d’un Frank Zappa les deux décades précédentes. De nombreux groupes ou participations : Faith No More, Mister Bungle, Tomahawk, Fantomas, Lovage, Dillinger Escape Plan, General Patton vs the X-ecutioners, deux albums solo, John Zorn … et même Bjork pour ne citer que ceux là !! L’homme n’est pas avare musicalement et ce qu’il fait, est, on peut le dire, toujours de grande qualité. Récemment vient de sortir le quatrième album de Fantomas, depuis Amenaza al Mundo en 1998.
Manipulateur de bruitages, d’onomatopées rythmiques vocales, Mike Patton, accompagné par Buzz Osborne (Melvins), Trevor Dunn (Mr Bungle) et Dave Lombardo (Slayer) dans son Fantomas, propose une musique proche des vieux cartoons et films américains ou bien même de jeux vidéos. Inspirée en grande partie par le tout aussi prolifique John Zorn et ses patchworks distillés au sein de Naked City, avec lequel il est ami et a plusieurs fois collaboré, elle permet l’apparition intempestive d’un grand nombre de styles, passant du coq à l’âne avec beaucoup d’ingéniosité et d’imagination, devenant ainsi une caractéristique stylistique majeure du groupe.
Toujours dans l’esprit des albums précédents, celui-ci marque encore une évolution considérable dans l’univers du groupe. Si Amenaza al Mundo était un véritable défi au niveau des rythmes et des accents donnés au travail de la voix, le suivant, Director’s Cut était un hommage aux musiques des films affectionnés par le sieur Patton qu’il avait eu bon goût d’arranger à sa manière, avec pour une fois des textes chantés. Enfin, Delirium Cordia révélait un travail très expérimental sur l’univers de la chirurgie, exprimant avec des bruitages camouflés par des ambiances minimalistes, toute la richesse d’un homme qui sait aussi délaisser son incroyable voix pour « opérer » des ouvertures dans des formes musicales plus restrictives. Encore un fois, Fantomas prend l’auditeur à contre-courant : même si tous les éléments de base du groupe sont présents, Suspended Animation en demeure encore une nouveauté.
Avec Dave Lombardo à la batterie, il est surprenant de ne pas avoir ressenti les influences de Slayer plus tôt. C’est chose faite, puisque de nombreux riffs très metal viennent montrer le bout de leur nez de façon plus ou moins prolongée, créant de véritables instants de « brutalité » dans ce décor aux allures peu conventionnelles. Tout ceci n’est en fait qu’un long morceau, structuré par de nombreuses séquences toutes aussi surprenantes les unes que les autres, soit par des ambiances extravagantes ou bien des effets de style plus que métaphoriques. La séparation des pistes du disque n’est là que pour poursuivre le principe du concept de calendrier, délimitant ainsi chaque jour du mois d’avril 2005, mois de sortie du disque.
Il est difficile de formuler des critiques négatives à l’égard de ce disque, tant la créativité artistique se trouve poussée ici à son paroxysme. Au-delà du fait que cette musique puisse plaire ou non car il reste néanmoins réellement difficile d’accès – n’allez pas plus loin si vous craignez l’expérimentation ! – très peu nombreux sont les musiciens à proposer une telle richesse musicale. Ce disque ne mérite pas seulement des éloges parce qu’il est créatif et novateur mais bien parce qu’il est proposé avec finesse et intelligence dans un univers où le nivèlement par le bas est souvent souligné comme une tendance de fond. Musicalité et originalité forment les fondations d’une formation qui ne déçoit pas. Ouvrez grand vos oreilles, Fantomas pourrait bien vous dérober votre innocence …