Tool - 10,000 Days
Sorti le: 07/05/2006
Par Jean-Daniel Kleisl
Label: Tool Dissectional
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Cinq années ont passé, une éternité à attendre la suite de l’énorme Lateralus. Que s’est-il passé depuis ? Des tournées – dont une avec King Crimson –, des projets annexes (si toutefois on peut considérer A Perfect Circle comme annexe). Bref, les gars de Tool n’ont pas chômé. Qu’en est-il de ce nouvel opus ?
Depuis 1993 et son premier album, Undertow, Tool s’est à chaque fois surpassé, laissant tout le monde loin derrière, devenant l’icône d’un metal avant-gardiste et sans concession qui a inspiré bon nombre de groupes, à commencer par King Crimson, justement, et qui en inspire encore (voir notre chronique de Immune). A ce propos, l’on est toujours surpris de l’énorme référence que constitue le groupe californien sur les scènes indie américaines (Mars Volta, Sleepytime Gorilla Museum) et surtout britanniques (Oceansize, Amplifier, Aereogramme). Or, sur ce 10,000 Days, on a la très nette impression que Tool se nourrit des courants qu’il a lui-même inspirés. En d’autres termes, Tool n’a pas révolutionné son propos depuis cinq ans. Certains pourraient en concevoir amertume et déception !
Cela ne sera toutefois pas le cas ici. En effet, même si Tool ne fait que du Tool, il le fait extrêmement bien. Joe Barresi (Queens of the Stone Age, Kyuss, Melvins) met bien en évidence toutes les finesses de l’album (et elles sont nombreuses !). Chaque instrument, voix comprise, bénéficie d’un rendu et d’un son impeccables. La basse de Justin Chancellor, largement mise en avant, se fait l’axe majeur de la musique et dirige chaque morceau sur une ligne magistrale. Derrière ses fûts, Danny Carey n’est bien sûr pas en reste et chaque break aventureux est maîtrisé à la perfection, de même que les nombreuses rythmiques tribales, véritables marques de fabrique du groupe. Adam Jones, quant à lui, a axé ses parties de guitares sur des arpèges d’orfèvre et des plans d’une grande richesse, loin de la violence sonore de Lateralus, conférant à 10,000 Days une finesse indéniable. Et bien sûr, il y a Maynard James Keenan qui peut transcender chaque morceau par une interprétation vocale envoûtée et envoûtante, à l’instar de l’introduction a cappella de « The Plot ». Cette voix si originale épouse à merveille les compositions du groupe.
Pourtant avec « Vicarious » et « Jambi », l’album débute de la même manière que son prédécesseur : mêmes structures, mêmes riffs. Tool a en fait trouvé son style et en explore toutes les facettes, un peu comme Robert Fripp avec King Crimson depuis Larks’ Tongues in Aspic. Le disque prend dès lors des tournures très progressives avec les deux longues suites « Wings for Marie / 10’000 Days » et « Lipan Conjuring / Lost Keys / Rosetta Stoned ». La progression de « 10,000 Days » est un modèle du genre. Ce morceau, écrit en l’hommage à la mère de Meynard, décrit la lente et sombre fin de sa vie (dix mille jours soit 27 ans) depuis l’attaque qui l’a paralysée jusqu’à son décès. L’ombre de la mère du chanteur plane sur tout l’album. Dans le très planant « Lost Keys », Tool se prend pour Oceansize, avec des ambiances que n’aurait pas reniées le groupe de Manchester. « Lost Keys » sert d’intro à l’imposant « Rosetta Stoned », mouvant et émouvant morceau progressif de très haute volée. A l’opposé du début de l’album, les morceaux qui le clôturent, « Intension » et « Right in Two », sont à la fois plus calmes, planants et plus expérimentaux et valent largement le détour : « Intension » par son côté electro et « Right in Two » par ses inflexions tribales dans sa seconde partie. Les bruitages finaux (« Viginti Tres ») sont par contre totalement inutiles.
Assumant et assurant à merveille sont rôle de leader d’une certaine forme d’art-metal, Tool, s’il ne surprend pas vraiment, utilise magnifiquement les outils qui font sa force depuis une dizaine d’années. Les fondements sombres, torturés et si particuliers de la musique du groupe sont encore une fois superbement relevés par un packaging très original : des lunettes spéciales permettent de visualiser en 3D les pages du livret. En définitive, Tool vient peut-être de sortir l’album de l’année. Peu importe en fait, ne boudons tout simplement pas le plaisir à écouter le nouvel et excellent album des Californiens.