Yemanjazz - Yemanjazz
Sorti le: 05/11/2008
Par Mathieu Carré
Label: Autoproduction
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Iemanja, divinité du culte afro-brésilien règne sur les forces de la nature et domine les flots. Elle a inspiré à Baden Powell et Vinicius de Moraes de sombres et douces Afro-Sambas, où les rythmiques lancinantes se lient au chant hypnotique de séduisantes sirènes. Portés par ce souffle sensuel et plein de spiritualité, les jeunes portugais de Yemanjazz assument ce lourd héritage sans broncher et y ajoutent l’instantanéité brulante du jazz. Entre l’Afrique et le Brésil, entre les marabouts et les prêtres, entre la partition et l’improvisation, ils tiennent le pari de faire du métissage la base de leur musique.
Dirigés avec talent et une étonnante maturité par Pedro Castanheira, ces musiciens ont ainsi décidé de ne pas choisir, de passer d’une bossa rappelant Chico Buarque ou Caetano Velhoso aux plus profondes transes du Candomblé (« Mae Sirena ») avec une classe naturelle totalement déconcertante. Lorsque l’omniprésent leader se mue en chanteur, jouant avec excès de nuances ensoleillées et d’envolées lyriques, il opère sur le même mode, en s’infiltrant innocemment dans le morceau avant de faire exploser ses structures conventionnelles et de se muer en une étrange chimère mi Peter Gabriel mi Magic Malik.
Ce disque dure peu, mais il visite toute la richesse du Brésil musical : une transe venue d’Afrique sur une ligne de basse sensuelle ; des éclats de percussions frénétiques laissent ensuite les premiers rôles aux trompettes et saxophones en toute fluidité. Lorsque les soufflants prennent le dessus, samba et bossa s’éloignent, et la partie la plus charnelle du jazz prend alors la parole. Même en haute altitude virtuose, les ancestrales croyances restent prégnantes, car les chorus ahurissants tiennent de Freddie Hubbard (« Mae Sirena ») et surtout John Coltrane ou Pharoah Sanders (« Tus’embii ») en partance pour les étoiles.
C’est ici, au cœur de cette musique faite de larmes et de rires que Yemanjazz tire son insolente cohérence, auprès des esprits supérieurs comme Albert Ayler, Ali Farka Touré ou Nusrat Fateh Ali Khan qui font de la musique cette transe, cette richesse qui dépasse toute notion d’époque, de lieu ou de style. Espérons que ces jeunes inconscients indépendants, qui prennent le risque de ne choisir aucune chapelle, ne souffrent pas de la frilosité ambiante et que les oreilles avides sauront aller à leur rencontre : elles en seront remerciées au centuple en retour.