Tuxedomoon - Vapour Trails
Sorti le: 13/12/2007
Par Mathieu Carré
Label: Crammed Discs
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Etant donné la renommée plus que confidentielle de Tuxedomoon, il faudrait évoquer un retour sur le côté de la scène plutôt que sur le devant de celle-ci concernant Vapour Trails. En effet, la marge reste le royaume de cette formation californienne farouchement indépendante, émigrée en Europe dès la fin des années 70. Que ce soit en maltraitant une cold-wave souvent trop stéréotypée il y a vingt ans ou depuis leur reformation en 1997, en s’attaquant à des sonorités plus actuelles, les déjà « anciens » Steven Brown, Peter Principle et Blaine L. Reiniger, rejoints sur cet enregistrement par Luc van Lieshout, mettent un point d’honneur à n’être jamais clairement localisables sur l’échiquier musical.
Comme attendu donc, Vapour Trails ne ressemble à rien de définissable. En l’absence de batteur ou de percussionniste, les boucles électroniques et les laptops viennent épauler la basse de Peter Principle alors que les multiples instruments à vent ou à cordes s’émancipent rarement, ignorant la notion de solo pour se fondre dans ce doux maelström. Fruit de ces échanges en équilibre précaire, chaque morceau acquiert une spécificité distincte selon la facette de leur musique que les multi-instrumentistes (qui ne rechignent jamais à jouer aussi de leur voix) choisissent d’exposer. Quand l’inspiration n’est pas au rendez-vous, la recette gastronomique vire rapidement à la pièce montée indigeste (« Still Small Voices » franchement desservi par des lignes vocales insipides), bien que le bonheur de la surprise prend souvent le dessus. Principle ressuscite ainsi le groove aseptisé de Tony Levin estampillé Discipline sur « Big Olive », après avoir évoqué Jannick Top d’un motif de basse minimaliste en acier trempé avec un « Kubrick » aussi fascinant que l’illustre réalisateur. Entre trompettes éthérées à la Nils Petter Molvaer, Krautrock aux amphétamines et ballades désenchantées (dont le stupéfiant « Muchos Colores » qui ouvre l’album en mélangeant accords glacés et rengaine mexicaine), Tuxedomoon brouille toujours les pistes avec délices, tels les prestidigitateurs qui escamotent les objets pour les faire réapparaître au dernier endroit envisageable.
Si cette absence de contraintes, cette volonté de tout utiliser – les effluves naïves de dance-floor (« Epso Meth Love ») comme les voix épiques voire ridicules – de tout mélanger, de secouer avant de servir, produit des morceaux indépendamment tous cohérents, elle rend aussi utopique toute notion d’identité musicale. Vapour Trails ne témoigne ni d’une direction artistique, ni d’une évolution, ni d’un projet. Il s’agit juste du constat de l’instant, le compte-rendu de la relation quasi-télépathique qui relie ces musiciens disséminés en Europe et dont chaque réunion donne lieu à des étincelles plus ou moins maîtrisées.