The Spaghetti Epic - The Good, The Bad & The Ugly

Sorti le: 18/06/2007

Par Christophe Gigon

Label: Musea

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Colossus (association de musique progressive finnoise) s’est lancée, il y de cela déjà quelques années, dans une série de projets ambitieux aux résultats très inégaux : créer des compilations thématiques de musique progressive auxquelles participent différents groupes, plus ou moins connus, articulées autour d’une unité culturelle. A ce jour, l’association a donc déjà produit un opéra rock dépeignant les légendes scandinaves (Kalevala, a finnish progressive rock epic), un hommage cinéphile aux westerns spaghetti (The spaghetti epic, six modern prog bands for six ’70 prog suites ), des légendes tirées de l’Antiquité grecque (The Colossus of Rhodes et The Odyssey, the greatest tale).

L’enjeu est toujours le même : chaque groupe doit composer une suite épique, illustration musicale d’un chapitre ou d’une séquence en rapport avec l’œuvre servant de concept fédérateur pour le projet. Le cahier des charges proposé au groupe est très contraignant : le son doit être résolument « vintage » et tout instrument ou arrangement ne respectant pas les codes des années soixante-dix se voit derechef banni. Le but visé et clairement avoué étant, bien évidemment, d’espérer atteindre les sommets musicaux produits lors de l’âge d’or du rock progressif tout en développant des thématiques (plus ou moins) nouvelles inspirées de la culture littéraire ou cinématographique. D’aucuns prétendront qu’une telle entreprise, rétrograde et austère, ne saurait faire progresser (justement) l’histoire du rock progressif. Une telle critique s’impose d’emblée et s’avère, en définitive, partiellement vraie. Si l’on essaie de faire fi du postulat quelque peu nauséabond qu’est celui de recréer une période musicale révolue, on peut, avec un peu d’indulgence et beaucoup de tolérance, accepter que quelques projets (grâce aux qualités intrinsèques des groupes choisis) proposent un produit loin d’être l’échec cuisant auquel l’amateur moderne et ouvert de rock progressif était en droit de s’attendre.

The spaghetti epic 2, comme son intitulé l’indique, est la suite du double album précédemment évoqué. Cette fois-ci, les trois groupes sélectionnés (Randone, La Voce del vento et Tilion) ont une marge de manœuvre plus limitée encore que lors du précédent essai : il s’agissait de fournir une bande-son progressive au film – culte par excellence – Le bon, la brute et le truand.
De prime abord, l’amateur de rock progressif peut, à juste titre, se demander en quoi les ambiances des films issus de la grande tradition du western spaghetti et des immenses espaces du Far West pourraient bénéficier des services musicaux d’un rock progressif très européen et chargé de culture historique. Le point de rencontre entre ces deux mondes si différents est naturellement l’Italie. N’oublions pas en effet que la patrie de Dante figure parmi les régions les plus réceptives à ce rock progressif anglo-saxon baroque et flamboyant, tant dans ses outrances scéniques (Genesis, Ange) que dans ses développements musicaux (Yes, Van der Graaf Generator). Ainsi, l’Italie, de par sa riche tradition culturelle (comedia dell’arte, opéras, etc…) a tout de suite accueilli à bras ouverts cette musique pourtant née dans les brouillards anglais. Genesis et Van der Graaf Generator iront même jusqu’à avouer que sans l’accueil chaleureux des Italiens, ils auraient jeté l’éponge au début des années soixante-dix. Sans oublier que l’Italie a régulièrement accouché de grands groupes progressifs : PFM et Le Orme entre autres. Aujourd’hui encore, l’Italie et le Québec restent les forteresses d’un rock progressif encore vivace. Ainsi, il n’est pas faux de constater que l’ambiance typée et flamboyante des westerns italiens des seventies a beaucoup à voir avec la musique progressive de la même époque : l’idée de mêler les deux mondes s’avère finalement pas si saugrenue qu’elle en avait au préalable l’air.
Les groupes présents sur cette énième compilation chantent en italien ou en anglais selon leur langue d’origine : Randon et Tilion sont italiens et La Voce del vento est… anglais (comme son nom ne l’indique pas).

Après ce très long préambule, venons-en à la qualité de ce projet, cinquième du genre (en attendant l’hommage à L’île au trésor de Robert Louis Stevenson devant sortir prochainement). Sans essayer de comparer les projets entre eux, nous voici face à un album agréable à écouter, tant pour l’amateur de rock progressif non cinéphile que pour celui de Clint Eastwood sans prétention musicale. Les ambiances sonores sont clairement construites de manière parallèle au schéma narratif du film et les caractères des personnages principaux sont brossés à grands coups de mellotrons ravageurs et de soli de stratocaster floydiens. Une touche de folie « à la Van der Graaf Generator  » achève de brosser le tableau.

Evidemment, de tels projets sentent quelque peu le renfermé et ne risquent en rien de propulser un rock progressif de moins en moins moribond sur le devant de la scène. Et si la musique progressive devait regagner les stades bondés, ce serait plutôt grâce à des groupes novateurs comme Porcupine Tree et Pure Reason Revolution, qui ont parfaitement intégré et compris l’étymologie du mot même « progresser », que par la probable prochaine parution d’un hommage au Seigneur des anneaux par de jeunes groupes japonais ! Le concept est donc, finalement, sympathique, mais le propos musical s’avère, plus souvent qu’à son tour, relativement médiocre. The spaghetii epic 2 propose un résultat suffisant, bien que peu excitant.