Karcius - Episodes

Avec un excellent premier long morceau tripartite qui ouvre le bal, les excellents Karcius de Montréal affiche instantanément la couleur haut et fort. Dans un déluge de plus de trente minutes de musique incroyablement cohérente et maîtrisée, une patate d’enfer, un son décoiffant et une écriture solide et mélodieuse, le groupe se paie luxueuse entrée en matière. En outre, l’auditeur se retrouve malgré lui bluffé d’emblée, en attendant probablement une énième formation qui pratiquerait ce jazz-rock fusion des familles ennuyeux à souhait, alors que leur musique constitue un creuset original dans lequel mijotent toutes sortes de références très classes, de Mogwai à King Crimson et de Porcupine Tree au jazz le plus débridé.

La production lumineuse et intelligente sait donner tout son éclat à la moindre poignée de notes lâchées sur le piano, à la basse érectile qui réveillerait les musiciens de SBB, ainsi qu’à une guitare mutine à la logique de composition bienvenue. Est-ce du jazz, du rock, du jazz-rock, du rock progressif ? Un peu de chaque à la fois tout en se gardant bien d’en tirer la substantifique moelle originale et poignante de ces styles connexes. Le raccourci, peut-être un peu facile, serait de caricaturer Episodes en proposant une analogie d’un Spock’s Beard instrumental. Car l’absence de voix ne constitue, du reste, jamais un manque tant les instruments débordent de vigueur.

Et bien que le côté jazzy risque fort de rebuter certains, il serait dommage de s’en priver tant la dynamique de l’ensemble est excitante, et qui ne tombe jamais dans les travers connus de ce jam-rock venu des Etats-Unis, dont les pourtant excellents Umphrey’s McGee sont les fers de lance. Nul besoin de s’affoler pour les fatigués de Dream Theater et compagnie, l’album se limite à l’essentiel. En attendant le renouveau printanier, une bonne dose de Karcius fera disparaître les derniers amas de neige molle et grisâtre de vos oreilles encore chargées de tournées d’enfoirés et autres variétés.