The Claudia Quintet - For

Sorti le: 22/10/2007

Par Mathieu Carré

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Voilà maintenant six ans que le batteur John Hollenbeck est aux commandes de ce stimulant projet musical qu’est le Claudia Quintet. En se drapant du terme assez flou de « post jazz », le compositeur avance, avec l’ambition clairement avouée d’insinuer les influences de la musique répétitive ou les textures hypnotiques du post rock au sein d’une formation acoustique. Associant avec courage les sonorités aériennes et venteuses du vibraphone (Matt Moran), de l’accordéon (Ted Reichman) et de la clarinette ou du saxophone (Chris Speed), le Claudia Quintet se donne les moyens de la spécificité qu’il revendique. Les lignes mélodiques et les motifs s’affrontent ou se lient, au gré de compositions desquelles s’extirpe parfois un solo rugueux. Derrière ces trois solistes, Hollenbeck et Drew Gress (contrebasse) dominent rythmiquement le débat, et s’y impliquent régulièrement.

Quand on décide de plonger tête la première, il est préférable de ne pas gamberger avant de s’élancer, sous peine de s’échauffer un peu les côtes. Pareillement, la musique du Claudia Quintet, fondée sur le mélange des genres, ne supporte pas le compromis, l’hésitation. C’est dans les rencontres brutales qu’elle s’apprécie le mieux, comme lorsque la contrebasse s’émancipe, sur un fond de vagues minimalistes (« Be Happy ») avant de laisser la place à un Chris Speed survolté affrontant ses collègues, ou lorsqu’accordéon et clarinette gémissent telles des mères éplorées pour engendrer une complainte obscure (« This too shall pass »). L’audace comme qualité première rappelle d’autres iconoclastes : le groove minéral du Nik Bartsch’ Ronin ou l’Exploding Star Orchestra.
Mais parfois, l’homogénéité est moins évidente, et l’utilisation du vibraphone qui mène immanquablement à évoquer Tortoise n’apporte pas le supplément escompté (« I’m So Ficking Cool » ou « Three Odes »), et laisse l’impression que, si l’on a ouvert les fenêtres sur la rue, les musiciens en tenue de soirée hésitent encore à descendre pour s’y produire.
Mais il importe finalement peu. Ces risques se devaient d’être pris, et si Hollenbeck n’accomplit pas un miracle à chaque morceau, il en aura au moins assurément eu l’ambition (Never Up, Never In ! se lamentent les commentateurs de golf en voyant les putts timides des concurrents échouer avant le trou de peur de dépasser celui-ci…)

Pour ce quatrième disque, le Claudia Quintet réaffirme ses objectifs : faire sortir le jazz des salons bourgeois où il a pu tenter de se réfugier, le remettre à l’épreuve des autres musiques, de la rue, perpétuer ce métissage auquel il doit tout. La démarche demeure éminemment délicate, et peut donner naissance à d’étranges chimères, mais surtout à des moments de grâce inédits, tel « For You », monologue glacial, parsemé d’inquiétantes inspirations, ou plus simplement encore à des albums enthousiasmants comme For.