Stolen Babies - There Be Squabbles Ahead
Sorti le: 25/10/2007
Par Jean-Philippe Haas
Label: The End Records
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Une piste de cirque, de l’humour noir, de l’horreur gothique et vintage, un peu d’accordéon, de mélancolie, des cris de terreur, de l’hémoglobine, tels sont les ingrédients du brouet nommé There Be Squabbles Ahead que viennent nous servir les Américains de Stolen Babies. C’est donc avec d’infinies précautions et du bout des lèvres qu’on est tenté de goûter cette mixture expérimentale, bien partie pour être indigeste…
Mais plutôt que de provoquer d’incommodants retours gastriques, There Be Squabbles Ahead met les papilles en émoi. Car Stolen Babies se lance avec cet album polymorphe dans une danse sur trois, voire quatre pieds. Punk par ci, metal par là, purement rock ou au contraire résolument fusion, maniant avec une égale aisance les sonorités industrielles et la polka, Stolen Babies vogue d’eaux saumâtres en lames tempétueuses, tout en gardant le bon cap, celui de l’efficacité. Dotés d’une imagerie à la fois comique et morbide signée Crab Scrambly qui doit beaucoup à Tim Burton, ces clowns malsains assènent une musique à la fois monochrome et colorée, inclassable, créative, qui ne peut se résumer à quelques adjectifs, bien qu’elle procède d’un mélange original de punk, de rock alternatif et de heavy metal (« Spill ! », « Mind your Eyes », « Tall Tales »). Une originalité sous influences malgré tout : Faith No More, dont on constate régulièrement l’impact sur toute une branche du metal moderne, est la première et la plus prégnante d’entre elles. Comment en effet ne pas penser aux Californiens à l’écoute de « Awfull Fall », « A Year of Judges » ou « Push Button » ? Et les ressemblances sont aussi bien vocales que musicales. Alors, Dominique Persi, alter-ego féminin de Mike Patton ? Sans pousser aussi loin la comparaison de leurs talents respectifs, force est de constater que la demoiselle envoûte par son chant grave gorgé d’émotion comme elle effraie par ses hurlements stridents. Dans la pléthore de genres traversés par There Be Squabbles Ahead, on pensera par exemple aussi à The Gathering période Mandylion pour le côté doomy de « Lifeless » ou au metal industriel de Rammstein sur le martial « So Close ». Pas très joyeux, tout cela ? Que nenni, Stolen Babies cultive également l’art de la bonne humeur macabre, entretenue par des textes souvent décalés, l’utilisation d’instruments atypiques (trompette, harpe, glockenspiel, …) et de passage folkloriques, empruntant à la musique de cirque comme au folklore d’Europe centrale (« Filistata », « Tablescrap », « Swint or Slude »).
Au risque de se disperser et de perdre une identité à peine forgée, Stolen Babies déploie donc sur There Be Squabbles Ahead un style protéiforme. Mais loin de tout collage, de toute juxtaposition artificielle, un fil rouge (et noir) assure l’unité de ce rafraîchissement dans lequel tout amateur de rock énervé et sophistiqué, d’où qu’il vienne, trouvera très largement son compte.