Kayo Dot - Coyote

Sorti le: 16/04/2010

Par Jérémy Bernadou

Label: Hydra Head Records

Site:

Autant il est parfois simple de se rattacher à des éléments qui mettent tout le monde d’accord, autant certains artistes sont difficiles à désigner avec une certaine objectivité rassurante. Quelles sont alors les options possibles ? Se la jouer « Lester Bangs » en herbe et penser révolutionner le monde à l’aide de deux ou trois tirades bien senties ? Quoi qu’il en soit, Toby Driver fait partie de ces personnages « difficiles ». Il n’y a qu’à voir les discussions à son propos sur Internet : d’un côté les fanboys aveugles qui le vénèrent comme le messie, de l’autre ceux qui considèrent tout ça comme du bruit. Et ceux qui s’en foutent, aussi. Jusque là, rien de bien gênant.

Les choses se compliquent quand les fans sont loin d’être d’accord entre eux. Pour certains, Toby ne fera rien de mieux que Maudlin of the Well, d’autres vouent un culte à Choirs of the Eye et désignent finalement la discographie de Kayo Dot comme une pente descendante. Il faut dire que Blue Lambency Downward en a perturbé du monde : trop jazz, trop peu contrasté, trop grisonnant. Les métalleux dans l’âme sont frustrés : un groupe de coldwave qui jouerait du Henry Cow, très peu pour eux…

Avec ce Coyote. Toby Driver aime tenir ses fans en haleine, en dévoilant d’une part les influences de l’album : The Cure, Faith and the Muse, Bauhaus, Sextant d’Herbie Hancock et The Drift de Scott Walker, d’autre part avec le titre Whisper Ineffable qui se retrouve sur la toile six mois avant la sortie du disque. Soit. Pour le coup, cette description est plutôt pertinente : on se retrouve sous les mêmes ambiances éthérées, comme si la musique était passée à travers un filtre, à la manière du Absinthe de Naked City. Sauf qu’ici, chaque détail est limpide, les arrangements sont toujours d’une grande finesse. Les détails se superposent comme autant de couches de peinture inextricables qui ne prennent de sens que sous forme d’un « tout ». D’un autre côté, le silence est roi. Si la palette sonore est plus figée que jamais, Kayo Dot continue de créer des recueils d’atmosphères.

Coyote est un album court d’une durée de trente-neuf petites minutes. Ce qui est visiblement une bonne idée : le disque se retrouve plus aéré, les morceaux prennent davantage facilement leur importance en tant que tels. Le mastodonte protéiforme « Abyss Hinge » par exemple n’en reste pas moins effrayant, tout est si tendu, si fouillé… Quand Kayo Dot s’éloigne ne cesse de s’éloigner de sa supposée ligne directrice, ça dérange. Bref, ça suinte, les lignes mélodiques se croisent et les fréquences se livrent un combat sans fin…

Personne ne sort gagnant, mais le voyage aura été passionnant… avant de se retrouver à la case départ. Au moment de conclure, difficile d’avoir ne serait-ce qu’une vague idée de la chose, et donc d’en déduire quoi que ce soit. En tout cas, ceux qui attendaient farouchement un Choirs of the Eye bis vont détester, clairement.