Shelving - IMIHS

Sorti le: 30/05/2009

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Division Records

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Bienvenue aux Enfers, ses forêts de sapins à l’époque du glauque automne franc-montagnard (notre histoire se déroule sur quatre jours en octobre 2007 dans le Jura helvétique) et ses fermes pas toutes habitées ; une surtout, celle avec cette inscription bizarre gravée sur son côté droit, IMIHS. C’est là que les gars de Shelving ont décidé d’enregistrer leur second album, emmenant avec eux le Steve Albini des monts jurassiens, Julien Fehlmann, l’ingénieur du son d’une tripotée de groupes bien saignants plus ou moins régionaux (Unfold, Vancouver, Dirge, Forceed, etc.). Dans la grange délabrée transformée en purgatoire, on emménage tout le matos, surtout ces claviers analogiques dont on reparlera. Le magicien Fehlmann mettra quatre jours à extraire la substantifique moelle donnée par des musiciens bien inspirés pour l’occasion, le tout en prise directe. Le son obtenu est pour ainsi dire exceptionnel, non pas qu’il soit novateur ou particulièrement recherché, mais il apparaît très naturel, organique, la structure en bois de ce studio bien original y joue sans doute un rôle non négligeable. Et plus d’un an et demi après (sic !), Shelving livre IMIHS, une pièce instrumentale d’une cinquantaine de minutes structurée en deux parties.

Pour beaucoup de lecteurs, Shelving est totalement inconnu au bataillon (le groupe a été succinctement présenté ce printemps dans notre focus sur le rock instrumental romand). A l’origine, il s’agissait pour certains membres de groupes de (post) hardcore (Forceed, Art of Falling) de la région de Delémont de proposer un math rock instrumental de haute volée dans la lignée de Shellac et autre Honey for Petzi. C’est ainsi que sont nées en 2005 les Mécanique Sessions, enregistrées par un certain Julien F. dans son studio Mécanique à La Tchaux (La Chauds-de-Fonds en français). Incorporant par la suite deux claviéristes, Shelving a peu à peu alangui son propos et s’est inspiré de plus en plus du Krautrock allemand et évidemment de l’incontournable Shora, un peu à l’image de ce qu’a proposé Equus l’année passée avec leur excellent Eutheria.

Grâce à ses structures hypnotiques, lancinantes voire répétitives, la musique de Shelving se meut avec souplesse entre douceur et épouvante. Les claviers ont clairement le rôle principal, et développent par couches grandioses ce son analogique seventies très riche avec l’orgue Hammond, les Rhodes, etc. Sur les passages où ceux-ci sont seuls ou quasi, on peut y entendre les réminiscences de cet album fétiche de nombreux amateurs de musiques progressives, Hybris de feu Änglagård (lui aussi enregistré au milieu des sapins). La guitare accompagne plus qu’elle ne dirige mais ses interventions, à la fois fines et puissantes, quand cela s’avère nécessaire, permettent à Shelving d’atteindre des sommets d’intensité sans pour autant passer par la sacro-sainte montée en puissance suivie de la descente inévitable, schémas appliqués sans discernement par de (trop) nombreux groupes de post-rock. Le tout est tenu par une section rythmique très au point, pas forcément très technique (quoique !), mais qui sied à merveille le propos de Shelving. On regrettera juste les cinq dernières minutes bien longues du fade out final dont on se serait franchement bien passé.

Initialement autoproduit en 2008, sous la mention Lothar Records, IMIHS paraît cette année sous l’égide d’un revenant, Division Records, à l’époque label des mythiques Unfold, Shovel, Vancouver, également connu pour ses conceptions graphiques de qualité. Le disque de Shelving n’y échappe pas. Signé Vincent Devaud, le splendide travail graphique de ce digipack en réjouira plus d’un. Avec IMIHS, Shelving entrouvre un pan de paradis dans lequel on se précipite avec délectation.