Marillion
25/11/2009
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Par Jérôme Walczak
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CONCERT : MARILLION
Marillion nous étonnera toujours. Après un époustouflant Happiness Is the Road qui signait le retour en grâce des Anglais aux yeux d’une critique musicale toujours plus tatillonne, une respiration s’imposait. Dès lors, on inspire parfois difficilement une première partie plutôt morne et propice au sommeil, tandis qu’on expire avec joie dans le second acte… Premier constat : que des sièges au Bataclan. Ce serait donc assurément un concert calme et les quelques chanceux qui avaient pu observer la chose dans les précédentes salles ne se lassaient de le dire : le public allait être étonné. La scène rassemble tous les ingrédients d’une session unplugged : des instruments étranges (glockenspiel, xylophones et tambourins), des bougies sur le piano, une salle calme et cordiale, acquise à la cause cela va sans dire. Le groupe fait son entrée en plein silence et distille pour ainsi dire dans l’ordre tous les titres de Less Is More. Notons que Steve Rothery se place à gauche et Pete Trewavas à droite. Vous vouliez du changement ? En voilà ! D’emblée le charme agit et le grand maître des lieux n’est évidemment autre que Steve Hogarth, qui depuis vingt ans est l’âme turbulente et vivante de ces grands anciens. Il sourit (Dieu quel sourire !), salue, plaisante, explique qu’il ne parle pas français mais qu’il adore Paris, et chante aussi, tout de même, sans que le moindre reproche ne puisse lui être fait de ce point de vue. « Go! » plonge l’assistance dans une douce torpeur, « Interior Lulu » poursuit son petit chemin mélancolique et rêvassant, et une à une, les chansons s’égrainent. Si ce dernier album acoustique a de quoi charmer, la réplique quasi-exacte sur scène était sans doute une idée à ne pas reprendre : tout ceci manque de rythme et les applaudissements polis n’ont guère réveillé quelques spectateurs qui, doucement mais sûrement, ont sombré avec délectation dans les bras de Morphée, à défaut de ceux de Steve… A l’issue de cette première partie de près d’une heure, vaguement soporifique voire poliment méditative, Steve Hogarth annonce devant un public devenu essentiellement contemplatif qu’ils vont se retirer dans les coulisses pour, dixit, « take some drugs »… Et là, miracle ! On ne saura jamais ce qu’ils ont pris, mais leur retour fait comprendre à ceux qui s’éveillent à peine de leur torpeur qu’on peut jouer acoustique sans être rébarbatif. Une exultation de joie irrépressible, un réveil tonitruant… Sur « Cover my Eyes », ça tape dans les mains et ça reprend le refrain (pas trop complexe, certes), puis « Beautiful » fait couler les larmes, « A Collection » provoque quelques reniflements (désolé, plus de kleenex), puis « Drilling Hole » précède un pinacle qui ne fut ni plus ni moins que la grande réussite de cette soirée : « You’re Gone ». Le public tape des pieds et retrouve goût à l’existence, comme des amas de scories qui d’un coup se désintègrent. La suite se fait plus classique avec « 80 days » et « Gazpacho », remarquablement interprétés. Quant au final « Three Minute Boy », il prend décidément plus d’emphase accompagné de ses impedimenta électroniques. Dans tous les cas, Steve Hogarth trouve toute sa dimension dans l’interprétation de la folie, sur des titres où il atteint ses limites et se heurte à quelques bornes (« Mad », « The Space », « The Party »). Dans un contexte acoustique, cette identité lui a manqué et toute la première partie de son showcase intimiste n’a rendu qu’une mince parcelle de son immense talent. Mais, Dieu merci, Marillion sait composer des titres entraînants, qui font mouche sur scène et qui, une fois de plus, ont permis aux spectateurs de repartir finalement le sourire aux lèvres. Jérôme Walczak site web : Marillion |