Pure Reason Revolution - Eupnea
Sorti le: 30/04/2020
Par Florent Canepa
Label: Inside Out
Site: https://www.facebook.com/purereasonrevolution/
Il aura fallu dix ans. A ce niveau de hiatus, on ne peut plus vraiment parler de break. On pensait d’ailleurs que les valeureux Britanniques étaient passés à autre chose. Trois petits chefs d’œuvre et puis s’en vont. On ne pouvait même pas les accuser de tourner en rond tant leur mue musicale était incessante. Il aura fallu retrouver l’inspiration (en manquaient-ils ?), se ressourcer ou tout simplement savourer le plaisir d’être ensemble. Car si Pure Reason Revolution fut plus qu’un duo (ceux qui se souviennent de leur prestation parisienne en première partie de Blackfield en sont encore émus), il faut bien admettre que les deux voix de tête, comme un équilibre parfait des sexes, mènent désormais la danse et la composition.
Pour les adeptes de la première heure, cette livraison inopinée en période confinée a des allures de cadeau. Une résurrection qui allait donc cultiver son lot d’attente. Accents progressifs des débuts ? Salve électronique féroce d’avant le repos ? Autre chose, complètement ? A bien y penser, c’est un peu un mélange de tout cela. La surprise vient déjà du regroupement d’Eupnea en six petits titres, bien peu me direz-vous, mais deux d’entre eux dépassent les dix minutes au compteur. Cela fait donc un point pour la veine progressive. Et des progressions, il faudra en compter, à l’image de «Silent Genesis» qui a abreuvé les comptes YouTube des fidèles avant d’arriver en chair et en son sous forme d’album. Impossible de fatiguer dans le sillage de ce morceau fleuve qui offre ce qu’il faut de blues-rock après six minutes pour exploser en déambulation métal hypnotique à huit minutes. Pareillement, le morceau titre vient clore le retour et faire glisser des synthés Vangelis vers des soubresauts épiques et métalliques.
La force de la création est facilitée par un sens mélodique aiguisé qui ne vient rien gâcher même ses accents les plus pop («New obsession», entêtant à bon escient). C’est ce mariage vocal très juste qui permet même à l’auditeur de se lover si facilement dans la musique. Légèrement retro mais diablement attachant. Jon Courtney fait penser à Chris Chorner de Sneaker Pimps ou un plus sage Billy Corgan, c’est à dire toute une génération. Chloé Alper sait cultiver l’aspect lisse d’Elizabeth Fraser. Alors certes, on peut reprocher les velléités du dancing (coupez la saturation et vous retrouverez un peu de Mika ou de Katy Perry sur «Maelstrom», oups). De même, «Beyond our bodies» est beaucoup plus anecdotique. D’autres regretteront aussi la force militaire et fulgurante de «Fight Fire», en ouverture de Hammer and Anvil, leur dernier legs. L’âge a rendu la globalité plus atmosphérique.
Mais l’heure est aussi aux contrastes : l’enveloppe sombre, parfois illuminée par un envol, éloigne de la noirceur avant de replonger plus complètement à coup de riffs dont la violence épileptique fait penser à Porupine Tree. C’est ainsi que «Ghosts and Typhoons» (un des titres les plus réussis) est construit : il nous enchante par un début slide floydien avant de nous laisser en fin de course, esseulés et heureux. En gros, si Muse a achevé de vous fatiguer, si la fin du millénaire précédent vous manque un peu, si alternatif et progressif ne sont pas antagonistes à vos oreilles, plongez en apnée dans Eupnea !