Philippe Gonin - Pink Floyd - Animals

Sorti le: 21/03/2025

Par Jean-Philippe Haas

Label: Le Mot et le Reste

Site: https://lemot-2boajzb46a-ew.a.run.app/musiques/pinkfloydanimals/

En 1976, il ne reste pas grand-chose de Pink Floyd en tant que groupe. Wish You Were Here a été en quelque sorte le chant du cygne d’une entité collective qui se craquelle depuis que les quatre musiciens sont devenus multimillionnaires avec The Dark Side of The Moon. Leurs concerts, aussi gargantuesques qu’impersonnels, sont sévèrement critiqués par la presse et Roger Waters se montre de plus en plus hégémonique dans sa manière de diriger ce qui est devenu une véritable entreprise. C’est ce que nous raconte Philippe Gonin dans un nouvel ouvrage consacré à Animals , quatrième partie d’un feuilleton qui tente d’analyser le groupe au travers de quelques-uns de ses albums majeurs.

Un an auparavant, l’auteur décrivait une entité encore vaguement soudée, qui venait d’enregistrer et de promouvoir un disque charnière, marqué à la fois par l’absence et la présence de Syd Barrett. Comme dans toute bonne série qui se respecte, Gonin fait au début de Pink Floyd – Animals un résumé de cet épisode précédent, avant d’entrer dans le vif du sujet, celui d’un groupe en pleine décomposition. Maître à présent de la direction artistique – seul David Gilmour a encore vaguement son mot à dire – Waters impose sur l’album en devenir ses compositions et ses idées ; il va jusqu’à rejeter les propositions d’Hipgnosis, le studio responsable des visuels depuis A Saucerful of Secrets et choisit seul comme illustration de la pochette une centrale électrique située dans la banlieue de Londres, la fameuse Battersea Power Station. Entre les cheminées de celle-ci flotte un cochon volant, un montage qui reste visuellement l’un des plus marquants dans la discographie de Pink Floyd. Alors qu’en général les pochettes n’ont que peu de rapport avec le contenu musical, celle d’Animals illustre parfaitement le concept construit par Waters : une société autoritaire dirigée par les porcs où les moutons sont surveillés par des chiens. Gonin décortique les multiples influences et références qui gouvernent l’œuvre, plus nombreuses que la seule Ferme des animaux d’Orwell, une évidence en première lecture. En effet, comme le souligne l’auteur, Waters redirige l’aspect politique de la fable vers une attaque frontale contre le capitalisme, conférant à cette nouvelle pièce une agressivité inédite, tant au niveau musical que dans les paroles, ces deux aspects étant finement analysés dans le livre.

Avec un contenu qui s’adresse comme à son habitude à toutes sortes de mélomanes, simples amateurs ou instrumentistes en herbe, Philippe Gonin dresse le portrait d’une bande de musiciens qui, s’ils travaillent ensemble, ne sont plus guère des amis. Il relate ainsi la difficile naissance d’un disque, depuis des titres testés en concert dès 1974 jusqu’à sa mouture finale et sa promotion sur scène. Pour cela, il croise dans son étude de nombreuses sources pour en faire un témoignage précis, parfois pointu (quelques passages sont à la limite de la musicologie), mais qui se lit avec le même plaisir que les volumes précédents.