Dream Theater

23/11/2024

Adidas Arena - Paris

Par Jean-Philippe Haas

Photos : Christian Arnaud

Site du groupe : https://dreamtheater.net/

Setlist :

Partie 1 : Metropolis Pt. 1: The Miracle and the Sleeper - Overture 1928 - Strange Déjà Vu - The Mirror - Panic Attack - Barstool Warrior - Hollow Years - Constant Motion - As I Am / Partie 2 : Night Terror - Under a Glass Moon - This Is the Life – Vacant - Stream of Consciousness – Octavarium / Rappel - Home - The Spirit Carries On - Pull Me Under

Les prog-métalleux de Dream Theater ont décidé de fêter en grande pompe leurs quarante ans d’existence. Si on veut chipoter, on dira que Majesty est né en 1985, et ne sera renommé que trois ans plus tard. Il semblerait que c’est plutôt le retour de Mike Portnoy à la batterie qui est célébré aujourd’hui, et la préparation du terrain pour Parasomnia, nouvel album à paraître en 2025. Par ailleurs, le groupe a annoncé que le concert serait filmé pour un album live. Ces différents facteurs expliquent donc probablement l’engouement autour de cette date parisienne et un remplissage assez conséquent de l’Adidas Arena, une salle flambant neuve construite pour les Jeux Olympiques de Paris.

James Labrie sera-t-il en voix ? Le son sera-t-il à la hauteur ? Ce sont toujours les mêmes questions que l’amateur de Dream Theater se pose avec fébrilité lorsqu’il se déplace pour voir son groupe favori en live, ces deux facteurs variant énormément au fil du temps (avec neuf concerts à son actif sur une période de plus de vingt-cinq ans, votre serviteur peut modestement se permettre cette saillie). Grâce à Internet, la setlist est connue à l’avance et on a donc au moins une bonne raison de se réjouir : tous les albums emblématiques du quintette ou presque sont représentés, en particulier Metropolis, Pt. 2: Scenes From a Memory et Images and Words, le parent pauvre étant, on pouvait s’y attendre, la période Mike Mangini (deux titres seulement sur cinq albums). Pas de The Atonishing, donc. Ouf.

On croise des gens de tous âges en déambulant dans les couloirs de la salle, et pourtant on peut se demander si les fans vieillissent mal au point de ne plus pouvoir tenir debout l’espace d’une soirée : en effet, la fosse est entièrement garnie de sièges… Pas très rock’n’roll, même s’il faut admettre qu’une performance de Dream Theater enflamme rarement le mosh pit ! Quoi qu’il en soit, le concert débute à vingt heures pétantes, sur la formidable partition de Psychose composée par Bernard Herrmann. Les retardataires s’installent rapidement tandis qu’un rayon lumineux vient éclairer le logo du groupe ornant l’énorme rideau qui voile la scène. Celui-ci s’abat au sol alors que « Metropolis Pt. 1: The Miracle and the Sleeper » explose sur scène devant un public en extase. Suivent « Overture 1928 » et « Strange Déjà Vu », pour compléter le tableau sous les acclamations.

La première moitié du concert laisse ainsi peu de respiration, avec des titres très agressifs comme « The Mirror » ou « As I Am », où dominent la guitare sauvage de John Petrucci – qui effectue ses nombreux solos en pilote automatique – et la basse grondante (et pour une fois audible! ) de John Myung. Seul « Hollow Years » offre un peu de repos au milieu de ce déluge de notes et de riffs, une déferlante en outre appréciée de différentes manières : l’Adidas Arena n’ayant pas spécialement été conçu pour accueillir des concerts de metal, le son est très variable selon où l’on se trouve : convenable dans la fosse, médiocre voire brouillon en hauteur en bout de virage. Les spectateurs sont donc loin d’être tous logés à la même enseigne, malgré des prix indécents, y compris pour les places les moins bien situées. De plus, l’usage excessif de la réverbération – amplifiée par la salle elle-même à certains endroits – accentue cet inconfort sonore, rendant nécessaire l’usage de bouchons de protection. Côté visuel, c’est beaucoup mieux. Le jeu de lumières est varié, les effets sont multiples et la scène reste toujours bien éclairée. Mention spéciale du « kistch  » pour le clavier principal de Jordan Rudess orné d’un bandeau lumineux dont les motifs varient en fonction des titres – un gadget « so eighties » presque aussi kitsch que sa guitare clavier. Petit regret toutefois : étant donné le gabarit de la salle, il eût peut-être été judicieux de projeter les musiciens sur le grand écran du fond, plutôt que des animations somme toute assez inutiles, rien que pour voir Portnoy assurer sa partie sans sourciller, comme s’il avait vingt ans de moins. Pour faire oublier Mike « le robot » Mangini ?

James Labrie, qui a été un peu à la peine en début de concert, trouve rapidement sa vitesse de croisière, en particulier dans la seconde partie qui s’ouvre sur « Night Terror ». Dévoilé récemment, ce premier extrait de Parasomnia, plutôt générique et peu enthousiasmant, reçoit malgré tout un accueil chaleureux. Bien qu’il ne parvienne plus à chanter des titres comme « Under A Glass Moon » ou « Home » dans leur version album, Labrie s’en sort avec les honneurs, adaptant certains passages à sa voix de jeune sexagénaire. Par ailleurs, la setlist du second acte lui permet de reposer son organe (en prévision des rappels, autrement plus exigeants! ) : l’instrumental « Stream of Consciousness », qui n’avait plus été joué depuis la tournée Train of Thought et le titre-fleuve « Octavarium » de l’album éponyme, hommage à l’âge d’or du prog des seventies, clôturant de belle manière une seconde partie beaucoup plus contrastée que la première et qui, par une amplitude couvrant une trentaine d’années, rassemble avec succès les différentes générations de fans.

Le rappel fait également l’unanimité, avec trois titres phares du répertoire. « Home » reste l’un des mètres-étalon du groupe, masquant de ses qualités – superbe montée en puissance, riffs mémorables, ruptures bien placées – ses rares défauts (la tentation de l’esbroufe stérile toujours sous-jacente chez Dream Theater). Les téléphones portables illuminent la salle sur « The Spirit Carries On », digne représentant de la facette mélodique et « sobre » des Américains (comme quoi on peut faire simple et efficace sans jouer trois mille notes à la minute), tandis que « Pull Me Under » rappelle à tout ce beau monde, si c’était encore nécessaire après une leçon de trois heures, QUI a inventé le metal progressif populaire. Assez populaire en tous cas pour provoquer l’ovation de quelques milliers de spectateurs comblés dans une grande salle parisienne.