Willow - Empathogen
Sorti le: 03/05/2024
Par Chrysostome Ricaud
Label: Three Six Zero
Site: https://willowsmith.com/
Willow Smith est issue d’une famille d’artistes : papa est un rappeur et acteur très célèbre et maman est actrice et chanteuse. Ce contexte extrêmement favorable lui a permis de commencer une carrière de chanteuse dès l’âge de 10 ans, avec un premier tube orienté teen pop. On est là bien loin de notre ligne éditoriale, raison pour laquelle on n’avait pas entendu parler d’elle avant la sortie d’Empathogen dont il est question ici. Passés les premiers succès d’enfant star, la demoiselle a tout de même sorti pas moins de six albums avant celui-ci (en comptant The Anxiety du groupe éponyme). Face à l’impressionnante créativité d’Empathogen, on a eu la curiosité de les survoler afin de voir le chemin parcouru. Ce qui nous aura permis d’évincer d’office l’idée de la pop star devenue subitement arty. Sa singularité, sa volonté de proposer une musique créative et hors des sentiers battus, on la retrouve dès son premier album Ardipithecus, paru en 2015 alors qu’elle n’avait que 15 ans. On remarque par ailleurs une envie de toucher à tous les genres. Résumons en une phrase : Ardipithecus explore un R&B électro expérimental, The 1st (2017) et Willow (2019) oscillent entre folk et art pop, The Anxiety (2020) et lately I feel EVERYTHING (2021, avec Travis Barker de Blink 182 et Avril Lavigne en invités) la voient s’essayer au pop punk (tout en gardant sa fibre expérimentale, aussi antinomique que cela puisse paraître), enfin <COPINGMECHANISM> (2022) hésite entre rock alternatif et post punk tandis que des traces de pop punk subsistent.
Cette mise en contexte permet de relativiser la révolution opérée sur Empathogen, puisqu’on a tout compte fait affaire à une artiste habituée à toucher à tous les genres (même si une tendance rock s’est imposée sur les trois derniers albums) et qui aime expérimenter. Le nouveau virage opéré la voit s’intéresser au jazz, sans pour autant renier ses influences précédentes. Ce mélange de jazz, de pop, rock, de funk, de R&B avec une omniprésence de la voix utilisée comme un instrument en les superposant de manière à former des accords rappelle des artistes hors normes, comme Jacob Collier ou Laura Mvula. Les accords (vocaux et instrumentaux) ont la richesse harmonique du jazz. Les batteurs (ils sont quatre à avoir participé à l’enregistrement, dont Jon Batiste qui a également agrémenté le titre « Empathogen » de sa virtuosité pianistique) jouent des rythmes complexes et qui semblent totalement désarticulés, donnant une sensation d’étrangeté métrique constante sur l’ensemble du disque, à des parties qui ne le sont finalement pas systématiquement. Willow contrebalance parfaitement cette complexité et densité musicale avec des parties ou des morceaux plus simples et mélodique, évitant ainsi d’épuiser l’auditeur.
Si parfois avoir des parents célèbres dans le showbusiness permet à certains de se lancer dans une carrière musicale sans forcément avoir de talent, Willow en est le parfait contre exemple ! La richesse, l’inventivité, la complexité et le caractère inclassable d’Empathogen en font non seulement un disque répondant en tous points aux critères attendus par la rédaction de Chromatique, mais son excellence en fait également un sérieux candidat au titre de disque de l’année, lorsque viendra l’heure du bilan de 2024.