Naïssam Jalal

08/06/2024

Jazz à Barraux - Barraux

Par Chrysostome Ricaud

Photos: © Aurélie Pommereau pour les photos des concerts

Site du groupe : http://jazzabarraux.fr/

1ère partie : Baptiste Bailly et Gwen Cahue

Pour la première fois, Chromatique s’est rendu à Jazz à Barraux, un festival isérois qui en est à sa septième édition. Ce qui impressionne dès notre arrivée c’est le cadre : Fort Barraux est un des plus anciens forts bastionnés des Alpes et offre une vue imprenable sur le Mont Blanc, les Belledonnes, ainsi que toute la vallée environnante. Les concerts sont habituellement organisés en plein air, mais une solution de repli dans une salle du fort est envisagée en cas d’intempéries, et étant donné la météo du moment, c’est dans cette dernière que nous avons assisté à deux concerts le samedi 8 juin.

A 17h30, c’est un duo piano – guitare (respectivement Baptiste Bailly et Gwen Cahue) que nous découvrons. Cahue, plutôt adepte de jazz manouche habituellement, s’empare pour ce projet d’une guitare classique, ce qui ne l’empêche nullement de faire preuve d’une grande virtuosité, que ce soit en accords ou en solo. Le binôme joue des compositions jazz aux influences musiques du monde et classique issues de leur premier album Soryboard paru l’an dernier. On a plaisir à les entendre jouer à l’unisson, s’harmoniser, se compléter, ou échanger des solos au gré des morceaux. Baptiste Bailly se montre particulièrement à l’aise pour communiquer avec le public et nous aura fait rire plus d’une fois. Ce duo que nous ne connaissions pas aura donc été une belle découverte !

A 19h30, place à Naïssam Jallal, l’une des têtes d’affiche de ce festival. En quartet, la franco-syrienne nous interprète les rituels de son dernier album Healing Rituals. Nous nous retrouvons alors face à quatre musiciens complètement habités par la musique qu’ils interprètent. Un batteur qui danse avec ses mains lorsqu’il ne joue pas, un contrebassiste qui virevolte avec son instrument pourtant massif et un violoncelliste au visage très expressif qui ne peut s’empêcher de chanter ce qu’il joue ! Naïssam, plus discrète et effacée n’est pas en reste lorsqu’elle chante le final du « Rituel de la terre » comme un cri de détresse (elle l’avait introduit comme une prière pour Gaza). En dehors du nay (flûte arabe), nous n’avons devant nous que des instruments occidentaux, et pourtant la créativité, l’ingéniosité et la virtuosité des musiciens leur permet d’en sortir des sonorités complètement inattendues  ! Clément Petit joue beaucoup de son violoncelle en pizzicato et arrive à nous faire croire que c’est un oud qu’il a entre les mains. Zaza Desiderio n’a qu’une batterie en face de lui, mais il en joue d’une manière tellement personnelle qu’on pourrait croire qu’il a plusieurs percussions traditionnelles. Claude Tchamitchian allie groove et précision à la contrebasse et se pose comme un pilier sur lequel tout le monde peut s’ancrer, mais il n’hésite pas à se lancer dans des glissés élastiques des plus surprenants. Naïssam Jallal, quant à elle, utilise différentes techniques issues du free jazz (mêler chant et flûte, faire entendre plus de souffle que de son, envoyer plus d’air pour obtenir des sons aiguës, etc.). Cette formation parvient à transporter le public dans son voyage : rituel du vent, de la colline, du soleil, de la rivière, de la terre, de la lune, de la brume. La compositrice les introduit en les nommant et en les explicitant, mais il y en a un qu’elle nous propose d’écouter d’abord afin que nous essayions nous-même de deviner à quoi il est dédié. Plusieurs spectateurs sont sur la bonne piste un fois interrogés à la fin du morceau, preuve s’il en fallait une de la puissance évocatrice de ces compositions (et pour les curieux, sachez qu’il s’agissait du « Rituel de la forêt »).

On ressort de ce concert avec la sensation d’avoir passé un moment magique, de symbiose avec des musiciens qui vivent et interprètent leur musique avec une intensité rare et qui ont su nous emmener dans leur monde le temps d’une soirée. Plus globalement, c’est ce festival que nous ne connaissions pas qui nous aura laissé une excellente impression. Un cadre beau et unique, une excellente programmation et une ambiance conviviale. Que demander de plus ? C’est sûr, nous reviendrons l’an prochain et on vous incite à en faire autant !