Thierry Zaboïtzeff - 50 ans de musique(s)
Sorti le: 23/09/2022
Par Jean-Philippe Haas
Label: WTPL Music
Site: https://thierryzaboitzeff.bandcamp.com/
Il ne fallait pas moins de trois CD remplis à ras bord pour se faire une idée du travail réalisé par Thierry Zaboïtzeff en un demi-siècle d’aventures musicales ; tout d’abord avec Art Zoyd (dont il fut le codirecteur avec Gérard Hourbette, décédé en 2018) puis dans d’autres formations, et surtout en solo, brassant de multiples genres comme le rock progressif, le jazz, le RIO, la musique électronique, répétitive, dans des domaines aussi variés que le théâtre, la danse, le ciné-concert… pour ne citer que quelques-unes des nombreuses facettes du compositeur multi-instrumentiste.
50 ans de musique(s) n’est pas une simple compilation : de nombreux titres ont été dépoussiérés, réenregistrés (comme ces versions récentes de « Konzobélé » et « Mariée à la nuit », figurant d’abord sur le diptyque Marathonnerre d’Art Zoyd), d’autres sont issus de performances live (par exemple « Unsex Me Here » ou « Baboon’s Blood », originellement sur Berlin, d’Art Zoyd également). Largement instrumentale, la musique de Zaboïtzeff, hormis les cordes (basse, guitare, violoncelle) et le piano, comprend tout un attirail électronique (sampleur, synthétiseur, boîte à rythmes). Elle ne néglige pas pour autant l’apport de la voix : chant torturé sur cet extrait de The Cabinet of Dr. Caligari, vocalises sur « Dr Zab am Wolfgang See » tiré de Sixteenth, langage inventé magma-esque sur « Deil zom an de lay » ou « Sangria » (ce dernier en en hommage au fondateur d’Art Zoyd, Rocco Fernandez), chant lyrique (« Requiem », « Libera me »)…
Cette volonté de sortir des cadres sans perdre l’auditeur au passage aboutit à un art souvent exigeant mais accessible, barré sans être abscons, où des paysages sonores aux climats changeants (comme le récent « Pagan Dances » ou l’impressionnant « Aria Primitiva », tiré de l’album du même nom) côtoient des pièces plus courtes créées autour d’éléments mélodiques simples (« Domagali », « Planet LUVOS act 8 », « Derevo », « Phantasiespiel »…). Les atmosphères induites sont souvent étranges, voire sombres (en particulier sur les compositions de la période Art Zoyd), l’électronique et les boucles viennent appuyer des propriétés hypnotiques (« Confusion », « Luvos vol.2 Epilogue », « Die Maschine »), parfois à la limite de la techno (« Introitus »).
Bien que certaines d’entre elles aient été développées dans un cadre multimédia (en particulier pour accompagner les spectacles de danse d’Editta Braun), les compositions sélectionnées ici se suffisent à elles-mêmes, sans qu’il soit besoin de connaître les tenants et les aboutissants de l’œuvre à laquelle elles sont destinées. Elles happent facilement la curiosité d’un esprit ouvert et fascinent par les ambiances qu’elles créent.
Ceux qui suivent Thierry Zaboïzeff depuis longtemps ne seront peut-être pas les premiers concernés par cette rétrospective. En revanche, celui qui a lâché l’affaire un peu trop tôt, l’amateur de musiques qui évoluent hors des sentiers battus ou simplement le mélomane curieux trouveront largement de quoi satisfaire leur appétit non conventionnel et pourront par la même occasion ajouter un nom à leur liste d’artistes incontournables.