Oiapok - OisoLün
Sorti le: 09/02/2023
Par Jean-Philippe Haas
Label: Autoproduction
Site: https://oiapok.bandcamp.com
Quel est le point commun entre un fromage de Normandie et un fleuve de Guyane ? Réponse : Pierre Wawrzyniak. Avec son (pas tout à fait) nouveau groupe, le compositeur bassiste est passé de la musique très largement instrumentale de Camembert à une version chantée et orientée davantage vers le jazz. Formé grosso modo pendant l’épidémie de Covid19, Oiapok comprend une moitié de son devancier et quelques têtes nouvelles, dont Jacopo Costa (The Loomings) au vibraphone, arrivé après l’enregistrement de l’album, et Mélanie Gerber, apparue fugacement sur Negative Toe. Elle tient ici un rôle central puisque le chant est une composante importante de la formation alsacienne. Sa voix évanescente apporte une dimension onirique à l’ensemble, tantôt électron libre, tantôt scrupuleusement alignée sur l’un ou l’autre des instruments. Comme souvent dans ce genre musical, ça passe ou ça casse. Pour notre part, la suavité féérique du chant l’emporte nettement sur d’éventuels griefs concernant le choix de l’anglais – majoritairement – et l’accent français qui en découle : ce dernier, plutôt que de les plomber, donne finalement un charme particulier aux compositions concernées.
La tonalité de l’ensemble penche moins vers le RIO que Camembert pouvait le faire occasionnellement, privilégiant la richesse mélodique tout en étant résolument progressif dans son approche, jazz et world dans ses influences, assez éloignée du rock malgré quelques passages plus nerveux. Oiapok ménage tradition et modernité même si « Les grands équipages de lumière » est un beau contre-exemple, totalement ancré dans les années soixante-dix avec son psychédélisme infusé au funk, son groove zappa-esque. Thématiquement, l’écologie fait partie des thèmes centraux évoqués lors de l’entretien que Pierre nous avait accordé en 2021 pendant l’enregistrement de l’album.
Qu’il s’agisse de la basse ronflante, des lignes mélodiques dessinées par le vibraphone ou les cuivres, de la harpe qui confère ce côté cristallin unique, tous les instruments sont mis sur un plan d’égalité; il n’existe donc pas ce défaut récurrent du soliste envahissant, d’autant que le mixage ne souffre aucune critique.
Malgré notre envie de mettre sa musique dans une case, il faut admettre qu’Oiapok empiète généreusement sur plusieurs genres et offre un côté rassembleur. Oisolün est une belle rampe de lancement pour ce groupe dont le chef d’orchestre déborde d’idées et de projets. Souhaitons que la suite arrive plus vite !