La SPTO - Romanciel
Sorti le: 01/04/2022
Par Jean-Philippe Haas
Label: ADN
Site: https://lastpo.bandcamp.com/
Depuis plus de trente ans, les illustres inconnus de la STPO (La Société des Timides à la Parade des Oiseaux) offrent à qui veut bien les entendre leurs délires musico-théâtraux. On aimerait les ranger dans le Rock In Opposition, aux côtés de Samla Mammas Manna, Étron Fou Leloublan voire Zappa pour l’esprit et la musique, mais en vérité les Rennais défient toute tentative de classement, si ce n’est les aspects furieusement dadaïstes de leurs créations extravagantes, où non-sens et refus des conventions sont (quelques-uns) des traits marquants.
Le thème d’ouverture et de fermeture au violon, les paroles surréalistes (mots-valises, mots inventés, râles et borborygmes) forment le lien entre les différentes parties d’une composition telle que « Roman » dont les vingt minutes, contre toute attente, passent comme une lettre à la poste pour qui veut bien se donner la peine de prêter une oreille attentive à sa narration chaotique faite de soubresauts. L’intermède « Dictionnaire » et « La Diminuée » évoluent également dans ce registre théâtral, saugrenu, où on passe souvent du coq à l’âne. Mais alors que jusque-là, Romanciel s’est montré joyeux voire sautillant, du moins en apparence, « Rien qu’un ciel » prend une tournure beaucoup plus sombre, tant au niveau musical, par ses thèmes parfois oppressants, que dans les paroles où allemand, anglais et français se mêlent sur des textes au sens plus immédiat. La guitare électrique grinçante et la basse grondante accompagnent ainsi la complainte d’un prisonnier (« Mauer, Mauer, Mir ist kein Himmel mehr […] Higher, Higher, Wall erasing my Sky »), torturé et privé de lumière.
Cet album joue donc sur plusieurs tableaux en cultivant d’une part une certaine loufoquerie sophistiquée et sibylline, une mosaïque de tableaux très contrastés et apparemment sans lien, et d’autre part une facette beaucoup plus tragique bien que symétrique, avec force thèmes poisseux et scansions inquiétantes. Jekyll et Hide de l’absurde et du surréalisme, Romanciel ne peut laisser indifférents les amateurs de hors-piste musical.