JPL - Sapiens chapitre 3/3 - Actum

Sorti le: 11/03/2022

Par Jean-Philippe Haas

Label: Quadrifonic

Site: https://jplouveton.bandcamp.com

Deus Ex Machina, brillant second volet de la trilogie Sapiens, a pu susciter une impatience justifiée quant au point final de cette œuvre conceptuelle ambitieuse consacrée à la grandeur et (surtout) la décadence de l’Humanité. Le défi principal était de ne pas se répéter, d’apporter la singularité dans ce dernier chapitre.

Jean-Pierre Louveton reprend son procédé de narration habituel, à la première personne, le « je » représentant généralement l’Homme, Homo Sapiens Sapiens. Ce n’est pas nouveau, ses textes véhiculent des pensées politiques et écologiques, des charges contre le pouvoir de l’argent, la faiblesse et la mégalomanie des humains, leurs lâches renoncements ; ils prennent ici une dimension quasi-apocalyptique. Pas d’artifices ésotériques incompréhensibles ou politiquement corrects, les paroles visent juste. L’artiste est engagé, chose assez rare pour être soulignée, même si l’impact de ses messages se limitera à ceux, rares sans doute, qui décortiquent les livrets. Il fait un constat acerbe de l’état dans lequel se trouve(ra) l’Humanité, sans trop d’optimisme sur son avenir, si celui-ci existe.

Musicalement, l’ouverture «  Paradis perdu » est typique du prog vigoureux de JPL, accessible et versatile, mais dès « Mon cercueil », pessimiste et nostalgique à souhait, Actum se met à sonner un peu différemment de ses devanciers. Est-ce parce que l’équipe n’est pas tout à fait la même ? Que JPL prend en charge les orchestrations et une partie des synthétiseurs ? Ou est-ce le fait des compositions elle-mêmes ? Il y a sûrement un peu de tout cela.

Ce troisième volet développe le côté orchestral (Louveton s’était déjà un peu fait la main avec les instruments virtuels sur Exordium), en particulier sur la suite « Memento Mori », sorte de bande originale survitaminée de film catastrophe. On appréciera ou pas le procédé (très présent sur « Marche vers l’inconnu », introduction symphonique un peu grandiloquente, et sur le final de « Acta Fabula Est ») mais l’usage discret de certaines percussions (vibraphone, cloches) par exemple, passe plutôt bien. Évidemment, on préférera toujours l’utilisation de vrais instruments, qui apportent de la fraîcheur, comme le saxophone de Sylvain Haon sur la délicieuse petite incursion dans le jazz de « Paria ». De même, « Dansez maintenant » et son petit côté celtique (la vielle à roue de Marguerite Miallier y est pour quelque chose) fait partie de ces titres qui font penser que JPL est tout à fait à l’aise hors de sa zone de confort.

Trois albums, deux heures et quart de musique et pourtant, on n’éprouve guère le sentiment de redite. L’explication réside peut-être dans la stratégie choisie : enregistrer un album après l’autre, au rythme d’un par an, avec le soutien de précommandes. Une méthode payante qui a évité le piège dans lequel certains artistes tombent parfois : celui d’un manque de recul sur leur œuvre et de la tentation du remplissage par déficit d’inspiration. Actum clôt la trilogie Sapiens de belle manière en étalant un autre aspect de la large palette de JPL. Atterrissage réussi !