Shamblemaths - 2
Sorti le: 22/10/2021
Par Jean-Philippe Haas
Label: Apollon Records Prog
Site: https://www.shamblemaths.com/
Il y a cinq ans, un duo de musiciens norvégiens alors totalement inconnu au bataillon sortait un album qui avait toutes les chances de passer inaperçu au milieu de la production aussi pléthorique qu’indig(este)(ente) de pomp’ rock. Mais une œuvre musicale, lorsqu’elle est brillante, finit toujours par atteindre sa cible, et Shamblemaths a finalement percé le plafond de verre pour s’offrir aux oreilles abasourdies de quelques argonautes de l’underground progressif.
C’est dire si on attendait ce second disque avec impatience. Alors Shamblemaths 2 joue-t-il la sécurité et ressemble-t-il à son brillant prédécesseur ? Ou Simen Å. Ellingsen, épaulé par le batteur Ingvald A. Vassbø, parvient-il au contraire à réitérer le coup de maître du premier album sans en faire la redite ? Plutôt que de trancher, étalons les cartes sur la table. Succédant au saxophone et à la contrebasse de l’inquiétant « Måneskygge », « Knucklecog » annonce d’emblée un album sombre, souvent féroce et fortement marqué par la scène scandinave, elle-même gorgée d’influences multiples où King Crimson occupe une place de choix. Dmitri Chostakovitch est également bien placé sur le podium des références, avec une relecture de la première partie de son Quatuor à cordes n°8 en ut mineur (opus 110), dans lequel il cite plusieurs autres de ses compositions. L’arrangement d’Ellingsen offre deux parties fortement contrastées, l’une solennelle et l’autre frénétique, qui n’ont en commun qu’un climat anxiogène digne des plus lugubres morceaux de Present. Les contrastes se font encore plus marquants sur le dantesque « Lat Kvar Jordisk Skapning Teia » : la froideur électrique se mêle à la chaleur acoustique des saxophones, de la guitare folk, du basson, tandis que le chant fragile d’Anna Gaustad Nistad (14 ans) et d’Eivor Å. Ellingsen (6 ans) se glisse entre des séquences sauvages à la limite du metal, appuyées par les claviers (dont l’incontournable Mellotron) toujours bien placés de Paolo Botta. Après une telle tourmente de mélancolie et de sinistre abattement, « This River » apparaît comme un îlot de délicatesse sur lequel se pose le duo de voix Simen Å. Ellingsen / Marianne Lønstad. L’affliction s’est ici muée en une nostalgie presque douillette, concluant l’album, malgré un dernier et puissant crescendo, sur une note plus apaisée.
Si Shamblemaths 2 est plus difficile à apprivoiser, il n’en est pas moins aussi passionnant que son devancier. Exit les allusions à Magma et les passages néo-prog, on est en présence d’un album résolument dark et heavy., à la fois moderne et ancré dans les années soixante-dix. Ceux pour qui les atmosphères ténébreuses ne sont pas un frein y trouveront de quoi cultiver leur passion des musiques ambitieuses, claires-obscures et sans concessions.