Cult of Luna - The Raging River

Plonger dans le sombre univers de Cult of Luna, c’est assumer un confinement cérébral, souvent intense au gré des livraisons discographiques jusqu’au dernier et cosmique A dawn to fear. Qualifié de post métal, à défaut de meilleure terminologie, le groupe est finalement devenu champion d’un genre qui n’existe que dans la tête des êtres en manque de labels. Car comment qualifier ce périple sinueux qui pioche aussi bien dans les relents de Godflesh et ses partis pris industriels (« What I leave behind ») que dans les terres boueuses du sludge.

Présenté comme un EP et affichant seulement cinq titres, The Raging River nous balade néanmoins tout au long de ses presque quarante minutes de discours apocalyptiques amplifiés par le cri écorché et reconnaissable de Johannes Persson. Sympathique invité de marque, Mark Lanegan vient poser sa voix de crooner grunge sur ce qu’on pourrait qualifier de respiration entre deux déflagrations (« Inside of a dream »). Le cameo est plaisant mais ce n’est sans doute pas le bras le plus intéressant de cette rivière ardente. C’est plutôt du côté du quasi mystique « I remember » et ses charlestons angoissées qui lui succède que l’on comprend l’enthousiasme qu’ont su cultiver les Suédois depuis plus de vingt ans. Densité du propos, anxiété des guitares, aspect organique des synthés, modulations : tout est fait pour que l’auditeur éprouve un sentiment impalpable de malaise confortable, oxymore absurde que le groupe rend possible. En cinématographie, on appelle cela un slow burn.

Parfaite image d’ailleurs pour le titre de clôture, « Wave after wave », sans doute le plus lent mais aussi paradoxalement le plus enjoué (enfin bon…), du haut de ses douze minutes. Le groupe y tutoie des aspects quasi gothiques, tel un proto-Christian Death nourri aux hormones d’une croissance démoniaque. Cult of Luna, extrême dans son enveloppe, ne plaira pas à tout le monde. Mais sa saturation qui agit comme une radiation laissera des traces pour longtemps.