Haken - Virus
Sorti le: 05/06/2020
Par Julien Giet
Label: Inside Out
Site: https://hakenmusic.com
Vector, avec un V comme 5 pour un cinquième album. VIrus avec VI comme 6 pour un sixième album. Haken n’est vraiment pas du genre à laisser quoi que ce soit au hasard. Depuis ses débuts, le combo anglais nous a habitués à sa solidité hors norme, si bien qu’ils paraissent invulnérables et infaillibles. Chaque album du groupe bénéficie d’une maîtrise chirurgicale, ses créateurs prenant un malin plaisir à nous embarquer, nous auditeurs, sur des chemins qu’ils connaissent sur le bout des doigts tels des guides touristiques ne manquant pas d’assurance. Pour le moment, Haken n’a jamais trempé ne serait-ce que le petit doigt de pied dans la flaque du mauvais goût. Pour son cru 2020, il a choisi pour la première fois de ne pas se détacher de l’album précédent et de fournir ce qui pourrait s’apparenter à une suite directe, le second volume d’un diptyque. Publier une œuvre en plusieurs disques nécessite une science de l’équilibre impeccable ; ce qui peut s’apparenter à une promenade de santé pour un groupe qui prend tant de soin à établir une cohérence parfaite à chaque nouvelle itération.
Si Vector fut conçu comme un rouleau compresseur monolithique, Virus se montre beaucoup plus nuancé et subtil dans son exécution. La brutalité est toujours présente, brandie dès l’ouverture de l’album avec un « Prosthetic » aussi technique qu’agressif qui dégaine ses airs de thrash metal. Les excursions typées Leprous sont toujours de mise, notamment à travers « Invasions » et son refrain haché et accrocheur. Pour autant, c’est « Carousel » qui sera susceptible de provoquer un coup de cœur imparable. Son ouverture mélodique irrésistible fait éclater un riff puissant aux accents orientaux avant de laisser place à un refrain d’une précision redoutable. Pour faire court et laisser la surprise de la saveur à l’auditeur, le titre est tout simplement exceptionnel dans sa conception judicieuse. Sa construction agence parfaitement les guitares percussives avec des ambiances plus légères presque neo-soul et sait ramener la mélodie au premier plan lorsqu’il le faut.
Ne nous mentons pas ; lorsque nous avions lu la liste des chansons qui allaient constituer Virus, nous savions de suite que ces cinq premières chansons ne seraient que la mise en bouche, l’apéritif, pourquoi pas l’entrée. Le plat de résistance sera naturellement « Messiah Complex » composée de cinq parties. Et là, c’est la claque totale. « Messiah Complex » est un chef d’œuvre de son commencement à sa fin. Les thèmes qui construisent les cinq mouvements sont toujours bien amenés et rappelés, les mélodies s’enchaînent de manière fluide et les rappels aux précédents albums font jubiler. Riffs, élans symphoniques, refrains entêtants, instrumentaux tortueux, harmonies vocales, cette suite ne manque de rien. Par désir de ne pas gâcher la moindre surprise nous n’évoquerons pas ici les liens de parentés avec d’autres chansons de l’univers Haken. Toutefois, pour qui a lu la liste des chansons et possède quelques bases en latin, la traduction de « Ectobius Rex » (cinquième partie de « Messiah Complex ») devrait constituer un indice.
Après un tel plat aussi relevé, « Only Stars » conclut le diptyque comme un dessert à la douceur cosmique bienvenue. Enfin, rien ne nous dit que Vector et Virus ne sont pas deux parties d’une trilogie (complétée par un éventuel Vaccin pour rester dans le thème?), voire plus ? Après Vector puis Virus, Haken peut se targuer de pouvoir brandir le V de la Victoire (déjà anticipé avec Visions il y a bien longtemps, diront certains, et ils auront raison). Écrire une chronique sur un album de Haken donne la fâcheuse impression de répéter la même formule de conclusion, en espérant pouvoir la réutiliser encore et encore : avec Virus, Haken a probablement sorti son meilleur album.