Supersister - Super Sister Projekt 2019 Retsis Repus
Sorti le: 04/02/2020
Par CHFAB
Label: SOSS Music
Site: https://supersister.nl/
Qui l’eut cru? Qui aurait misé ne serait-ce qu’un centime d’euro, en cette année passée (2018), sur le troisième retour de l’ex quatuor, puis trio, désormais projet solo, Supersister? Qui aurait cru que Robert Jan Stips, compositeur, auteur, claviériste et chanteur de ce fleuron de l’école Canterbury batave ayant produit 5 excellents albums entre 70 et 75, effectuant un retour inespéré en 2000, immédiatement avorté par la mort du flûtiste, puis une troisième fois abattu dix ans plus tard par le décès du bassiste, après un troisième retour scénique persévérerait ?… Il y a de ces destins… Plus d’un aurait lâché l’affaire… Mais c’est méconnaître la carrière du septuagénaire (bé oui!) qui officia entre autre chez Golden Earing, puis chez les Nits (folk rock) de 1981 jusqu’à encore aujourd’hui, pour faire court. Rappelons que Supersister a proposé dans le passé un jazz rock prog sans guitares des plus gouleyants, oscillant entre chant dépouillé, duels flûte-clavier (Soft Machine et ses sons fuzz ou saturés d’orgue, Camel pour son évidence mélodique) complexité et ironie à la Zappa (passages iconoclastes, harmonies dodécaphoniques), le tout soutenu par une paire rythmique extrêmement solide.
Ils sont légions, ces deux dernières décennies, depuis leurs glorieuses années 60-70, à avoir tenté le jackpot du comeback, la réussite souriant davantage à leur portefeuille plutôt qu’à leur créativité. Certains, que nous ne citerons pas, se sont même fait une spécialité d’interpréter que tel ou tel album passé, mais à qui nous serions tentés de dire très amicalement « stop »… Supersister grossirait-t-il donc cette liste? Cet album répond résolument par la négative.
…Et il n’en resta plus que deux… Enfin plus exactement un, le batteur attitré n’officiant ici que sur un titre, le plus technique rythmiquement d’ailleurs. Là où Stips a eu du nez, c’est dans le choix de s’entourer d’une myriade de musiciens selon les morceaux choisis (tous de lui) et selon le propos voulu. Il a eu le bon goût d’apparaître sous l’idiome « projekt’ plutôt que d’endosser à lui tout seul le nom du groupe, un geste d’une belle élégance. Et autant l’avancer, RETSIS REPUS dépasse toute attente, si toutefois il y en ait eu! Voici un disque d’une grande classe, convoquant les couleurs si appréciées du groupe; rivages jazzy, chant pop, claviers psychés, rythmiques élaborées, bref, tout le vocabulaire de Supersister, le morceau d’entrée prolongeant d’emblée une suite déclinée à trois reprises (« Memories Are New »). Ce qui sonne comme neuf, tout au long de ce très beau disque, ce sont les arrangements façon orchestre de chambre, et puis aussi le piano, véritable fil rouge, jazz comme néo classique, splendide. Il n’y a plus de flûtiste, hélas, alors élargissons la palette, avec violons, trombones, et autres xylophones (Zappa). L’album agit en deux temps, une première partie clairement dans la lignée 70, jazz et enlevée, et une autre, plus profonde, plus lente, plus intime, et d’une beauté abyssale confondante.
Le son est superbe, ample, très aérien (Stips a produit lui-même ce travail). Dès la deuxième écoute, les rares passages en creux disparaissent, révélant au fur et à mesure une oeuvre d’une maturité et d’une humanité vraiment rares. Mieux encore, RETSIS REPUS semble bien avoir été écrit aujourd’hui, comme libre de toute citation, et proposant un éventail d’une variété vraiment réjouissante. Sachant que plusieurs fois, depuis, l’album a été joué sur scène, il ne reste qu’à espérer en recueillir un témoignage live, bien que déjà officieusement disponible sur internet (concert complet filmé à Amsterdam, avec un son pris en salle). Peut être était-ce un dernier rendez-vous? Si oui, tant pis car la promenade fut des plus belles. Un disque remarquable, magnifique, et inespéré.