The Mute Gods - Tardigrades will inherit the earth
Sorti le: 27/03/2017
Par Florent Canepa
Label: InsideOut Music
Site: www.themutegods.com
Dans le monde parfois orgueilleux voire vaniteux des musiques complexes, il est rafraîchissant de voire émerger un projet comme celui de The Mute Gods, aux allures de super groupe mais aussi d’hommes de l’ombre. Nick Beggs, roi du stick et progressivement parrainé par les deux Steve (Hackett puis Wilson), Marco Minnemann, cogneur de sessions sensationnel et Roger King, claviériste hackettiste lui aussi : trois hommes, trois destins pour parler du destin de l’Homme.
Ces Dieux muets ne le sont pas. Si l’œuvre commence sur un mode instrumental que n’aurait pas renié Toto période Dune, le reste sera surtout chanté, les messages étant un élément central du tout. Que ce soit pour parler des effets des technologies, de l’environnement ou encore de la place de la religion dans notre monde, le groupe offre un reflet pessimiste et tristement réaliste de notre société, à l’image du très entêtant « We can’t carry on », single funeste. On ne nous prend pas au dépourvu : ce sont les tardigrades, oursons d’eau microscopiques aux allures de chenilles qui vont hériter de la Terre, car de toute évidence, nous autres, humains stupides, sommes en train de tout anéantir.
Une perspective angoissante servie par une musique grave mais pas lugubre, notamment lorsqu’elle groove en mode mineur (« The Dumbing of the stupid », qui dessine la bêtise de l’Homme face au monde médiatique). La batterie de Marco Minnemann frappe juste, binaire ou touffue, et s’adapte au format parfois batcave de l’ensemble tandis que Roger King hante la production de claviers enveloppants. Pas d’invités cette fois-ci, hormis des membres de la famille pour les choeurs féminins. Mais rarement trio n’aura donné à entendre un tel équilibre des forces, la seule petite modicité venant peut-être de la voix de l’instigateur du projet qui, sans être défectueuse, n’apporte pas toujours le mordant requis. Nick Beggs fut à l’origine ambassadeur new wave (avec Kajagoogoo) et, si on est loin des eighties, il reste à quelques reprises – notamment dans le morceau titre – des références à un esprit synthpop désuet mais sympathique.
Outre cette diversité, c’est la capacité à passer les ambiances dans une espèce de mixeur intemporel qui fait la trempe de l’album. Perdu au milieu de ce vortex, l’auditeur retrouve Steve Vai (« Window onto the sun »), Marillion (« The Singing Fish of Batticaloa », titre fleuve), Devin Townsend assagi (« Animal army ») ou Frost*, avec une production un peu moins étincelante que celle de Godfrey. On referme ce livre d’histoires avec un goût amer, car cette histoire c’est la nôtre et le vaisseau, sans pilote ni équipage, semble courir à sa perte.
Un espoir au bout du tunnel en forme de clôture câline : et si l’amour pouvait changer les choses ? Humblement, nous pouvons pour notre part affirmer que nous aimons, sans retenue ou presque, le nouvel album de The Mute Gods qui sonne comme une symphonie millénariste. En attendant l’extinction…