uKanDanZ - Awo
Sorti le: 15/02/2016
Par Jean-Philippe Haas
Label: Dur et Doux
Site: http://www.ukandanz.com/
uKanDanZ est un cas à part dans les musiques métissées. Ce n’est pas pour rien que le groupe lyonnais et son chanteur éthiopien ont été invités à l’édition 2015 du RIO festival, un événement pourtant loin d’être estampillé world music. Yeshalal revisitait déjà l’éthio-jazz à la sauce crunch comme se plaît à le définir le quintette, mais l’EP paru il y a un peu plus d’un an laissait supposer un autre durcissement du ton, avec ses versions survoltées de « Lantchi Biyé » et « Endé Iyérusalem ».
Comme son prédécesseur, Awo est composé essentiellement de reprises, relectures modernes et vigoureuses d’un répertoire qui regorge de pépites, les vingt-neuf volumes des Ethopiques sortis depuis 1998 sont là pour l’attester. D’entrée « Sèwotch Men Yelalu » confirme la prise de testostérone lorsque le stoner s’invite dans les compositions. Si « Tchuhetén Betsèmu » démarre sur un mode plus conforme à la tradition, la force de frappe du groupe s’exprime non moins ouvertement. Armé de son saxophone ténor, Lionel Martin est le gardien du temple, contenant la furie du trio guitare/basse/batterie, à l’instar d’Asnaqé Guèbrèyès qui, poussé dans ses retranchements par les arrangements de Damien Cluzel (guitare), exacerbe le chant en amharique d’une voix chaleureuse et pleine de vibrato. A l’image de « Lantchi Biyé », Awo mêle les aspects les plus typiques du genre à l’impétuosité d’un groove nourri aux décibels, pour une musique paroxysmique qui se vit pour ainsi dire physiquement. Dans le même registre, « Endé Iyérusalem » rend hommage à Asnaqètch Wèrqu, chanteuse et musicienne éthiopienne disparue en 2011 (Buda Musique lui avait consacré le seizième volume des Ethiopiques en 2004). On respire brièvement avec « Gela Gela » avant d’être englouti par l’impressionnant « Ambassel to Brussel » qui clôt l’album; construit autour de la reprise de « Wubit » de Muluken Melesse, ce tourbillon à l’incroyable pesanteur martèle ses riffs répétitifs jusqu’en un final envoûtant où le saxophone vient demander grâce à l’implacable tapis rythmique.
On imagine sans peine à quoi peut ressembler un concert de uKanDanZ avec ces titres-là : un chanteur mis en transe par le vrombissement hypnotique du groupe qui opère derrière lui, guidant le public vers une sorte de communion, une torpeur extatique d’où l’on émerge comme d’une expérience mystique. Awo transgresse les codes, mélange les genres et rassemble les continents. En toute modestie.