Fractures – La peau sur les os

C’est un peu l’histoire de tous les groupes qui démarrent. En France comme ailleurs, les débuts se forgent à coups d’efforts et de prises de risque. fractures, groupe découvert grâce à l’envoi spontané de son tout premier EP bien apprécié, déjoue les pièges des questions fumeuses et joue la carte de la sincérité et de l’honnêteté face à un chroniqueur avide de jouer aux osselets avec les réponses de ces musiciens en herbe. Première interview dites-vous ?

Cyril : guitare
Jean : claviers


Chromatique : Pouvez-vous vous présenter succinctement ?
Jean :
Au chant et aux claviers, par le passé, dans plusieurs groupes palois (plutôt dans un registre métal) et actuellement aussi aux claviers dans Manigance.
Cyril : Autodidacte à la guitare … Et à l’origine de la formation du groupe fin 2008 suite à ma rencontre avec Jean à l’IUFM de Pau.

Pas facile d’évoluer dans le milieu musical actuel, pourquoi avoir choisi cette direction stylistique et comment est-ce venu à vous ?
Jean : Le rapprochement de nos trois instruments, déjà à la base assez original, a doucement conduit à ce qu’est fractures aujourd’hui.
Cyril : Très honnêtement, nous n’avons jamais cherché à sonner dans telle ou telle veine. Le seul véritable choix que nous ayons fait est de faire de fractures un projet uniquement instrumental, basé sur une structure rythmique guitare/batterie plutôt fournie, sur laquelle le piano vient entremêler ses lignes mélodiques. D’un point de vue personnel, j’ai à la même époque été séduit parallèlement par quelques solides formations jazz-core/math-rock que Jean m’a faites découvrir (de bons potes à lui évoluant dans ces groupes) telles Grumpf Quartet ou Tapetto Traci, ce qui, bien que notre style musical soit bien différent, m’a conforté dans l’envie d’évoluer dans le domaine du rock instrumental.

Parlez-nous un peu du nom du groupe et de ce qui en a découlé du coup pour le choix des titres ? Vous n’êtes pourtant pas médecins !
Jean : Je crois que c’est le morceau de King Crimson qui en est à l’origine. Pour les titres, il ne restait plus qu’à puiser dans la longue liste de la nomenclature des os du corps humain !
Cyril : C’est un clin d’œil musico-littéraire en référence à la fois au morceau d’anthologie de King Crimson et l’excellent thriller de l’auteur français Franck Thilliez. Si vous ne connaissez pas son œuvre, jetez vous aveuglément sur n’importe lequel de ses romans, c’est addictif ! Je me suis ensuite appuyé sur le nom du groupe pour concevoir l’artwork.

Comment abordez-vous les séances d’écriture ?
Cyril : Le schéma général est presque toujours le même. Je compose et amène les riffs sur lesquels sont élaborées les parties de batterie : essais de diverses idées, mises en place, affinage des transitions entre les riffs et du tempo, etc … Le tout est ensuite enregistré et ça part chez Jean. Il donne son ressenti puis fait différents essais qu’il met en boîte à son tour. Le choix final des plans claviers sera validé plus tard en répétition.

Est-ce que la distance vous empêche de penser plus loin votre avenir dans la musique ?
Jean : Effectivement, c’est difficile …
Cyril : Sûr qu’avec nos vies personnelles très remplies et les kilomètres qui nous séparent, ce n’est pas simple ! On ne répète qu’une douzaine de fois par an tout au plus, d’où cette gestation qui peut paraître longue pour accoucher de l’EP mais on a, jusqu’à présent, toujours été animés d’une même volonté de se retrouver pour composer. Notre leitmotiv étant d’essayer d’associer plaisir et exigence musicale, mais sans se prendre la tête par rapport à la fréquence des répétitions. Croisons les doigts pour que l’usure qu’occasionne parfois cette situation, sans parler des tensions qui peuvent de temps à autre naître entre nous, comme dans tout groupe qui se respecte, ne nous coupe pas trop dans cet élan à l’avenir !

D’après les retours que vous avez sur ce premier EP, y-a-t-il des éléments que vous aimeriez modifier à l’avenir ?
Jean : Bosser plus scrupuleusement les tempi au métronome et essayer d’autres sons de guitare/piano !
Cyril : Modifier, je ne sais pas, mais être plus exigeants encore dans la mise en place pour éviter les ralentissements que l’on peut percevoir ça et là, oui ! L’expérience de la scène nous permettrait probablement aussi d’affiner nos compositions et l’élaboration de celles à venir, afin de les rendre encore plus fonctionnelles et vivantes ! Quelques personnes ont par ailleurs souligné qu’il n’y avait pas de basse, de bassiste qui s’entend dans fractures. Et bien oui … certaines disant « il en faudrait ! », d’autres « c’est inutile, le piano se charge entre autre de remplir cette fonction » … Je pense comme cette seconde catégorie de gens. Après, on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir, un vrai bassiste pouvant très bien intégrer le groupe un jour ou l’autre. Je ne cours pas après ça, ceci dit, car je trouve sans prétention que notre musique actuelle se suffit à elle-même. Enfin, Jean souhaiterait vivement que j’essaye des sons de guitare différents à l’avenir ! Il doit objectivement avoir raison mais comme ça me saoule de bidouiller les potards de mon ampli ou le paramétrage des patches sonores de mon multi-effets, ce n’est pas gagné ! Au tout départ, sur nos premiers essais quand fractures s’est formé, le son de guitare était saturé car les riffs que je composais alors étaient plutôt orientés métal et puis rapidement je ne me retrouvais plus du tout dans ce son saturé au niveau de mon instrument. Composant exclusivement mes riffs sur guitare acoustique, j’ai rapidement fait le choix du son clair avec juste un peu de delay et de reverb (son que l’on retrouve sur l’EP). Je voulais conserver cette essence de la composition initiale et ce côté aéré des riffs, d’autant plus que le rendu avec le piano s’avérait être plutôt réussi. C’est donc pour cela que le mix guitare est relativement discret au final. Lors du mixage pourtant, Serge Bianne a fait quelques essais sur différents riffs en appliquant des patches crunch et compagnie par-dessus certains passages de mes pistes. Et là, le résultat n’a pas du tout été emballant … On a donc laissé la guitare telle que lors des prises originales.

Y aura-t-il une suite sous forme d’album prochainement ?
Jean : I wish !
Cyril : « Prochainement » n’est probablement pas un mot très approprié dans notre cas mais on fera de notre mieux pour tendre vers ça !

fractures restera-t-il un projet à trois et studio ou envisagez-vous de pousser la chose ?
Jean : J’espère être amené à me fracturer les phalanges sur scène !
Cyril : Faire quelques concerts est évidemment un de nos objectifs à présent mais il est sûr que le fait de répéter si peu pour les raisons précédemment évoquées ne simplifie pas la chose ! Sans compter que je n’ai, à titre personnel, presque aucune expérience en la matière ! L’aspect technique des compositions exige ceci dit que nous les fassions tourner davantage en répétition afin d’être objectivement prêts à les jouer sur scène. Pour ce qui est de l’évolution de fractures d’un point de vue du projet musical, rien n’est figé. Bon, par contre, comme Robert Fripp, je resterai un membre inamovible !

Qu’écoutez-vous de manière générale et vous sentez-vous proches du mouvement progressif par vos écoutes diverses ?

Jean : Du rock sous toutes ses formes et donc du prog aussi oui !
Cyril : A la base, plutôt du metal comme Faith No More époque King for A Day …, Deftones, Soilwork, Dream Theater, Death époque Symbolic, Meshuggah pour ne citer qu’eux mais également du rock progressif. De mon côté, je tiens à le préciser car cela a considérablement élargi mon horizon musical, de par mon lien d’amitié de longue date avec Romain Baudoin, membre de Familha Artus qui a aussi fait partie de Zaar signé chez Cuneiform Records. Il m’a amené à écouter King Crimson, Tool et plus localement lors de divers concerts en Aquitaine à la fin des années 90, le groupe Sotos aussi signé chez Cuneiform Records. Quelle claque de rentrer dans une telle dimension musicale pour moi à l’époque ! Enfin, plus récemment, j’ai été littéralement scotché par le son, le côté archi abouti des compos et l’énergie dégagée par Ni ou le Larchey Zore Meshuggah Project, deux groupes ovnis jouissifs !

Un petit mot pour la fin ?

Jean : Criccccccccccc ! …
Cyril : Craccccccccccc !… Merci à toi Aleks et à Chromatique plus globalement pour l’intérêt porté à notre groupe via cette interview qui fait suite à la chronique récente dont a bénéficié également notre EP ! Ah, et le dernier truc, sous forme de bouteille à la mer : vu qu’on est loin d’avoir les moyens de se payer le tournage d’un clip, on aimerait pouvoir poser le son d’un de nos morceaux sur l’univers d’un petit film en stop motion d’un vidéaste amateur. Alors si quelqu’un lisant cette interview peut nous aider dans notre quête, on est preneur, contactez-nous !