Laurent Coulondre Trio - Schizophrenia
Sorti le: 18/11/2015
Par Aleksandr Lézy
Label: Sound Surveyor Music
Site: http://laurent.coulondre.fr/
Les formations de jazz pullulent, c’est un véritable drame auquel il faut faire face tous les jours. Va-t-on s’en sortir ? Même en France, il arrive de tomber sur des trios, c’est d’ailleurs un minimum pour pratiquer ce style mais quelle angoisse ! Hop, un Loxapal … Un pianiste répondant au nom de Laurent Coulondre débarque avec deux comparses pour préparer un mauvais coup. Schizophrenia, troisième album de sa formation trio à chaises tournantes, nous poursuit partout, dans le casque, dans la tête. Dur de faire face à autant de notes, pourtant les neuroleptiques sont en train de faire effet.
Comme la célèbre pastille piquante mentholée, cet album impose un double effet : acoustique et électrique. Les deux s’enchaînent mais se confondent aussi parfois comme sur le fantastique dernier long morceau « Fun Keys ». La prise de position semble être assumée par le jeune Coulondre et les deux formats s’apprécient même si le cœur balance pour les côtés dynamique et véloce de l’électrique, notamment lorsque la basse de Rémi Bouyssière ronronne et la batterie de Martin Wangermée martèle. En effet, la section rythmique fait vivre de façon considérable les envolées de Coulondre et donne une couleur extrêmement moderne et dynamique aux morceaux.
Le pianiste, au centre du débat, s’affiche comme le maître de cérémonie, là où certains sont plus discrets et se fondent dans le décor. Mais son tempérament fougueux à la McCoy Tyner n’empêche en aucun cas ses deux amis de s’exprimer. Au contraire, les compositions sont tournées adroitement pour que la place soit donnée à tous, et en même temps. Très peu d’affichage en solo et la technique sert véritablement le propos, croisement de modernité et de vieux credos jazz, autour d’une excellente communication.
Schizophrenia est une bonne fessée de technique et de style. L’effet Hiromi n’est pas loin mais la particularité du claviériste est de passer du piano à l’orgue sans sourciller, en ne laissant à l’auditeur aucun temps mort pour se ressaisir. Laurent Coulondre, malgré son relatif jeune âge, fait preuve d’une maturité dans son jeu, d’une étonnante capacité à relier les différentes époques du jazz, et déjà d’un énorme savoir-faire. La prise de l’Haldol ne sera pas nécessaire et c’est avec enthousiasme que l’on pourra donner, comme à l’organiste Jimmy Smith à l’époque le surnom d’incroyable, celui de prodigieux à Laurent Coulondre.