Von Hertzen Brothers – Les beaux jours arrivent
Justice. C’est une réelle satisfaction de la part de la Chromateam que de pouvoir enfin vous livrer une interview avec Von Hertzen Brothers. Auteur d’un flamboyant Nine Lives, la fratrie finlandaise revient avec New Day Rising qui, à coup sûr, en surprendra plus d’un. Nous nous sommes donc entretenus avec un tiers de la famille, à savoir Mikko Von Hertzen, chanteur et guitariste de la formation. Depuis le temps qu’on le voulait, justice est ainsi faite. Toujours pour votre plus grand plaisir, mais un peu pour le nôtre aussi !
Chromatique : Mikko, nous sommes ravis de pouvoir nous entretenir avec toi. En dépit du cv du groupe, ce dernier reste encore peu connu. Es-tu d’accord pour survoler l’histoire de VHB ? J’ai cru comprendre que vous étiez tous tombés dans le rock quand vous étiez petits.
Mikko Von Hertzen : Ce n’est pas une légende, c’est vrai. L’environnement dans lequel nous avons grandi était constamment rempli de musique. De plus, non content de chanter dans un chœur, mon père jouait également dans un groupe. Ma mère l’a rencontré à l’âge de quinze ans lors d’un tremplin rock qu’il a remporté. Nous avons été placés dans une école maternelle avec une option musique dès l’âge de trois ans. Pour ma part, j’avais quatre ans quand j’ai commencé le piano. Petit à petit, on s’est fait la main et comme tous les adolescents, nous avons commencé à jouer dans des formations. Jusqu’en 1995, mon petit frère, Jonne, faisait principalement du saxophone. A l’occasion des cinquante ans de mon père, nous nous sommes dit qu’on pourrait faire quelque chose ensemble. Jonne a pris la basse et ne l’a plus lâchée. C’est là notre première incarnation, si je puis dire. Cinq ans plus tard, je me suis retrouvé avec quelques titres. J’ai donc contacté mes frères, alors que je vivais en Inde. C’était l’époque du MiniDisc. A la question : « Seriez-vous partants pour faire un disque ? », ils m’ont répondu : « Ok, on arrive ! ». Nous avions loué une maison et on a commencé à jouer et arranger ensemble. Un an plus tard, notre premier album est sorti, né de ce que nous avions conçu en Inde. A l’époque, mon frère ainé Kio jouait dans un groupe très populaire en Finlande. Comme je vivais à l’étranger, pas question d’envisager un quelconque projet. J’ai eu d’autres morceaux quelques années après et on a remis le couvert pour enregistrer ce qui est devenu Approach. Nous nous sommes faits un nom et à cette période, de célèbres musiciens finlandais sont venus contribuer au disque. Cet album a remporté le trophée du meilleur disque rock en Finlande, lors de l’équivalent des Victoires de la Musique. Ça a fait boule de neige : de plus en plus de concerts, de plus en plus de sollicitations. La machine était lancée.
Parlons maintenant de New Day Rising. A la différence de Nine Lives qui prenait immédiatement l’auditeur à la gorge et qui était bien plus accrocheur, plusieurs écoutes semblent nécessaires en raison de la richesse et de la variété des styles. Je me suis amusé à pointer des références. Pour moi, certaines sautent aux oreilles, pas forcément de manière désagréable : « Trouble » rappelle le souvenir de « Miracle » ou « Angel’s Eyes » alors que « Dreams » accuse un net cousinage avec Fool’s Garden voire Jellyfish.
Tu sais, je pense que cet album est progressif. Dans tous les sens du terme (sourire). Les morceaux ne sont pas particulièrement longs ou déstructurés. New Day Rising est progressif car les titres vont là où on les attend pas. Je ne vais pas te mentir, on joue avec le feu en sortant ce disque. Pour moi, toutes les chansons sont de qualité. On a pris des risques, il faudra plusieurs écoutes pour pleinement l’apprécier. Chaque titre à sa propre identité. Nous ne parlons pas là de contenter les gens, on cherche à se faire plaisir et faire en sorte que les fans apprécient aussi.
L’intro facon 8-bits de « Love Burns » m’a rappelé le thème de « Tetris ». Est-on accro aux jeux vidéo dans la famille Von Hertzen ?
(Rires) Absolument pas. Pour ma part, je n’y jamais touché. J’avais cette idée de boucle dans ma tête. Je cherchais quelque chose de minimaliste, sans vouloir lui donner un son électronique pour autant. La chanson parle de quelqu’un qui est dans une boucle, qui fait du surplace. D’un point de vue stylistique, il aurait été tellement facile de faire un album cohérent sur lequel il n’y aurait eu que du rock ou du metal. Mais ce n’est pas notre esprit. Notre credo est de nous ouvrir au maximum sans pour autant abandonner notre style. Certes, c’est tentant de n’évoluer dans que dans un seul genre, mais tellement ennuyeux… Alors on varie les styles
J’allais justement aborder ce point. Sur Nine Lives la variété était bien présente. On passait d’un titre comme « Insomniac » qui est un hommage à Soundgarden, à un morceau comme « World Without » religieux au possible… Chacun de vos albums reprend cette éventail artistique.
Complètement. Je suis on ne peut plus d’accord. C’est ce qui nous a toujours guidés. Pour autant, nous restons les pieds sur terre, nous ne sommes pas plus extraordinaires qu’un autre. Restons humbles ! Je pense sincèrement que nous sommes un bon groupe, avons du talent et savons écrire de bonnes chansons. Sur scène, on sait être puissant, tu l’as vu toi-même à High Voltage. C’est déjà notre sixième album. Cependant, Von Hertzen Brothers est, pour ainsi dire, quasi inconnu en France et en Allemagne. Hormis la Finlande, l’autre pays dans lequel nous avons le plus de succès, c’est le Royaume-Uni. Pourquoi ? Des gens de maisons de disques viennent nous voir en nous disant : « Vous êtes incroyables, mais on ne sait pas quoi faire de vous ! On ne peut pas vous associer avec un autre groupe ». Et c’est vrai qu’en France et en Allemagne, on est plus dans la culture du single que de l’album. C’est un peu comme courir un marathon. On court de manière à franchir la ligne d’arrivée. Dans notre cas, à force de persévérance, on arrivera à s’engouffrer dans une brèche et enfin venir chez vous.
Mais c’est quand même frustrant, ne crois-tu pas ? Qu’est-ce qui, selon toi, pourrait servir de déclencheur pour que vous puissiez venir en France ? Vous avez tourné avec Opeth et Pain Of Salvation. Ça n’est quand-même pas rien !
Oui, c’est sûr. Nous en avons parlé entre nous mais pour le moment nous allons nous concentrer sur les marchés que nous maîtrisons. Nous chercherons en automne le groupe idéal avec lequel on pourrait tourner. Si on nous dit qu’on part avec Motorhead ou Iron Maiden, je réponds que c’est du suicide. L’idéal serait effectivement Spock’s Beard, Pain Of Salvation ou The Flower Kings. Croisons les doigts. New Day Rising est notre premier album distribué dans toute l’Europe. Chaque chose en son temps.
Avez-vous utilisé des chutes de studio de la période Nine Lives pour ce nouvel album ?
Si ma mémoire est bonne, « Trouble » date de ces sessions. Dès les démos, on savait qu’elle n’allait pas finir sur l’album parce qu’elle rappelait énormément « Angel’s Eyes » sur Stars Aligned. Depuis elle a beaucoup évolué : elle est bien plus rentre-dedans que par le passé mais présente des similitudes avec sa grande sœur. Le reste est complètement nouveau. On s’est retrouvé avec à peu près une trentaine de titres. En plus de ceux qui ont fini sur le disque, six autres sont finalisés. Va-t-on les utiliser pour la suite ? Sans doute pour des B-sides ou des bonus pour les versions japonaises de l’album.
Par le passé, vous vous êtes autoproduits ; cette fois, c’est Garth Richardson qui s’en est chargé. Sentiez-vous le besoin d’un concours d’oreilles un peu plus fraîches ?
D’abord, concernant Nines Lives, c’est en grande partie de l’autoproduction, même si on avait un producteur exécutif impliqué à un degré moindre qui avait également officié sur Stars Aligned. Pour New Day Rising, tu as vu juste : il nous fallait quelque chose de nouveau. Nous avons parlé avec quelques producteurs que nous apprécions et avons choisi Garth. Il a notamment collaboré avec les Red Hot Chili Peppers et surtout Biffy Clyro que nous apprécions beaucoup. Nous voulions un album plus direct avec quelqu’un aux manettes qui sache aller à l’essentiel. Une autre raison de ce choix, c’est que nous souhaitions enregistrer hors d’Helsinki. Nine Lives a été enregistré dans notre studio, mais par la suite, nous avons ressenti le besoin de nous couper du monde extérieur et de la routine.
Qu’en est-il de l’apport de votre claviériste et de votre batteur ? De ce que je sais, ils ne sont pas réellement dans le groupe. Apportent-ils leur touche aux morceaux ou sont-ils contraints de respecter ce que vous leur soumettez ?
Correction : ils font officiellement partie du groupe : musicalement, pour l’écriture, tout cela est une affaire de famille. Pour le reste, ils apportent leur touche personnelle aux titres et leur participation aux arrangements notamment est capitale. Même si, parfois, on a une idée bien précise, on s’arrange pour que tout le monde soit satisfait. Cela dépend des chansons mais la porte est ouverte aux suggestions.
L’album sort bientôt. Quel a été le retour de la presse jusqu’à présent ?
Je crois que les journalistes aiment le disque. Je dois en être à mon cinquantième entretien promo, ça parle de soi-même, non ? (sourire) Plus sérieusement, je pense que cet album est très bon, que les titres ont leur personnalité, leur caractère propre et individuel. La production et le mix sont bien équilibrés. Il y a de la variété. Comme je l’ai dit plus haut, il requiert nombre d’écoutes, mais une fois cette appréhension passée, c’est du plaisir en barres. Je pense que c’est là la preuve que l’on tient un bon disque. Mezzanine de Massive Attack, Ok Computer de Radiohead sont des albums que j’écoute encore très souvent aujourd’hui. Ce sont des œuvres qui requièrent un temps d’appréciation et qui se bonifient avec le temps. Cela sera-t-il le cas pour nous ? Nous verrons.
Musicalement, penses-tu que VHB est dans une situation où, musicalement, il peut littéralement faire ce qu’il veut ?
Je le pense, oui. J’ai une quantité de démos qui vont de la Brit Pop au trip acide psychédélique. Tout cela fait partie de l’univers Von Hertzen Brothers. Nous pouvons faire des Ep’s ou des albums pour lesquels, artistiquement parlant, ce serait le jour et la nuit. Pour être plus complet, je pense que nous avons notre style et que peu de groupes sonnent comme nous. A part ça, on peut aller n’importe où. C’est ce qui rend le voyage intéressant et, quelque part, excitant.
C’est intéressant. Pour ma part le dernier groupe capable de s’accorder autant de liberté artistique tout en restant immédiatement identifiable, c’était Queen.
Là, tu parles de quelque chose de sacré, la mère des plus grands groupe de Rock. S’il ne devait rester qu’un groupe parmi nos multiples influences, c’est Queen. Pas besoin de chercher plus loin. L’exemple parfait du « No limit ». L’exemple parfait du groupe qui se fichait de savoir s’il sonnait trop progressif, pop ou rock. Prends A Day At The Races, A Night At The Opera, Jazz. Il y a des titres comme « The Prophet’s Song » ou « Seaside Rendezvous ». Il n’y a, à priori, pas de lien entre ces morceaux. Et pourtant, quand tu écoutes l’album tu te dis : « ce sont des p… d’albums » !
Pour ma part, la principale différence entre Nine Lives et New Day Rising c’est qu’il était possible, sur le premier cité, de pouvoir piocher un titre comme « Prospect For Escape » ou « World Without » et de le passer en boucle. Là, la tâche est plus ardue… C’est comme si l’album était un puzzle duquel il était impossible d’extraire une pièce, à part peut-être « Dreams ».
Peut-être. Je t’avouerais que c’est quelque chose que nous souhaitons éviter. A quoi cela servirait-il de faire un disque avec deux tubes en puissance entourés de morceaux de piètre qualité ? Sans vouloir paraître arrogant, nous avons de l’ambition. Des titres comme « Prospect For Escape », « Flowers And Rust » « World Without », ressortent effectivement de Nine Lives. Je pense cependant que le disque n’en est pas moins décevant. Cette fois-ci nous avons cherché à insérer… comment dirais-je ?…une forme d’interludes. Des chansons comme « Dreams », « Black Rain » ont été pensées ainsi et s’intercalent entre des compositions plus riches, élaborées et lourdes. Je ne me voyais pas, par exemple, enchaîner « Trouble » avec « Love Burns » qui monte en puissance progressivement. Nous voulions faire un disque consistant et intense, certes, mais pas aussi cohérent et uniforme, car selon moi, c’est fatiguant et ça ne permet pas d’apprivoiser le disque correctement.
Avec désormais six albums au compteur, établir des setlists pour les concerts doit être difficile… vous avez sans doute dans votre discographie des standards comme « Let Thy Will Be Done », « Freedom Fighter », « Gloria »…
C’est amusant que tu évoques le sujet. On en a parlé l’autre jour en studio : Quid des anciens titres pour aller avec les nouveaux ? Certains ont besoin de rester un peu tranquilles, de manière à garder du plaisir quand nous les rejouerons. Nous avons tendance, lors de concerts en tête d’affiche, d’année en année, à en rajouter un, ici ou là (sourires).
Pour vous avoir vus à High Voltage, la première impression qui nous est venue est que le live est un exercice qui vous sied à merveille, tant sur la puissance du set que sur celle des titres dans ce contexte. Pensez-vous à la scène quand vous composez ?
Absolument. Nous sommes perfectionnistes. Par ailleurs, Von Hertzen Brothers ce sont cinq musiciens qui créent une alchimie certaine, allant à vraiment transcender son répertoire en concert. Nous avons évolué depuis nos débuts : du groupe de rock basique, nous sommes arrivés à une formation toujours rock, certes, mais plus élaborée en tenant compte du fait que l’énergie est toujours là. Et pour moi, ça le fait. Lorsque j’écris, je pense toujours à ce que pourront faire notre batteur ou claviériste. J’utilise des logiciels d’échantillonnages de batterie pour mes démos et je pense à lui quand je façonne les parties de batterie. Notre claviériste est l’un des meilleurs musiciens du pays. Il est extrêmement polyvalent.
La Finlande abrite de nombreux groupes qui aujourd’hui rayonnent sur la scène internationale, à l’image de Stratovarius, Lordi, Children Of Bodom et bien évidemment Nightwish qui est aujourd’hui le porte drapeau du pays. Von Hertzen Brothers pourrait-il faire partie de la nouvelle génération de groupes de qualité venant de Finlande ?
C’est simple : Nightwish est le plus grand groupe de Finlande à l’heure actuelle et pour de nombreuses années. Il suffit d’écouter leur dernier album pour se rendre compte qu’il sera difficile de les déloger. Il y a de très bons groupes de metal ici, mais nous n’en faisons pas partie. On a bien quelques riffs bien trempés ici et là dans notre discographie, mais ça ne va plus loin. La scène metal finlandaise s’est toujours bien portée, et ça n’est pas près de changer. Je pense que nous sommes dans une situation un peu plus confortable où nous ne suivons aucun groupe en particulier. En revanche, nous faisons en sorte que des groupes nous suivent (sourire). Certes, les choses ne vont pas aussi vite en termes de notoriété mais c’est un défi intéressant à accepter. Je crois que la relève va vite acquérir ses lettres de noblesse à l’échelle internationale. Je vais paraître culotté, mais je pense qu’il y a des tonnes de groupe comme Nightwish et un seul comme VHB. Comprendre par là, que ce que nous faisons est, à mon sens, unique. Pas question de se voir trop beau… Un groupe comme Pain Of Salvation est également dans ce cas de figure.
Bon, et Von Hertzen Brothers à l’Eurovision ? Ça serait pas mal, non ? Histoire de reprendre le flambeau de Lordi ?
(Rires) Sérieusement, j’en doute. Nous avons un très bon candidat cette année : Pertti Kurikan Nimipaivat (PKN, pour les intimes), qui est un groupe de Punk Rock composé d’autistes et de personnes atteintes de trisomie 21. Et ils sont bons, bien meilleurs que nous !
Une tournée de prévue ? A quand un passage en France ?
Nous commencerons aux Etats-Unis. Je pars prochainement pour faire la promo de New Day Rising avant d’être rejoint par le reste du groupe et d’enchaîner avec la tournée. On reviendra en Finlande pour deux jours avant de repartir en Grande-Bretagne pour quelques dates.
J’ai vu effectivement que vous cumulez les dates outre-Manche. A quoi est due cette popularité en Albion ?
Il y a des media de qualité en Angleterre. Je pense notamment à Classic Rock Magazine, Prog et quelques radios. On a un bon réseau sur place qui nous aide grandement. Ces quatre dernières années, nous avons pas mal tourné. Avec Opeth, Pain Of Salvation, en tête d’affiche, lors de festivals…Il faut avouer que « Flowers And Rust » a ouvert des portes. Elle a même gagné un trophée au Prog Awards et « New Day Rising » semble, je l’espère, destiné au même avenir. Prochaine étape : la France et l’Allemagne.
Le mot de la fin te revient de droit…
Que dire… J’ai quarante-deux ans et jusqu’à présent, tout ce que nous avons fait vient du cœur. Le succès ne nous changera pas. Nous sommes très fiers de ce qui a été fait ces dernières années. Si nous avons pu réussir à toucher des gens, comme vous à High Voltage, c’est mission accomplie. Je sais qu’il y a des fans du groupe en France qui seraient ravis de nous voir en concert. Alors, croyons-y tous !