Steven Wilson - Hand. Cannot. Erase.
Sorti le: 08/03/2015
Par Maxime Delorme
Label: KScope
Site: http://handcannoterase.com/
Avec Wilson, c’est toujours la même histoire. On attend avec impatience les annonces d’un nouvel album. On dévore les quelques miettes qu’il daigne nous jeter. On regarde plusieurs fois les teasers d’enregistrement en studio. On est déçu, intrigué, charmé, voire les trois à la fois. Et puis le disque sort … et c’est comme d’habitude. La première écoute laisse pantois : « ouais … et alors ? ». Mais bon ! C’est Steven Wilson ! On le connait bien, alors on se laisse tenter à une seconde écoute. On lui donne sa chance tout de même. La deuxième écoute se passe mieux, mais toujours un petit goût bizarre dans la bouche. « Ca sonne comme avant », « c’est trop pop », « il ne se renouvelle plus ». Non mais c’est vrai, mais bon … Allez … On va quand même le remettre encore une fois, c’est vrai qu’il y a ce morceau qui passe bien !
Soixante écoutes d’affilées plus tard : « Finalement, c’est pas si mal, voir carrément bon. »
Alors ! Quoi de neuf pour ce quatrième album solo du prodige du rock progressif à la British ? Hand. Cannot. Erase est à nouveau une histoire contée par l’Anglais. A la différence du Raven, cette fois-ci il s’agit d’une unique histoire qui remplira tout le disque. Un unique monolithe insécable, comme au temps (maudit pour certains) de The Incident. Basé sur la tragique histoire de Joyce Carol Vincent, Hand. Cannot. Erase (HCE pour les intimes) narre la solitude que l’on peut éprouver au coeur d’une métropole, le sentiment d’être entouré de monde et pourtant solitaire. L’écriture passe une nouvelle fois par tout un tas de media différents permettant l’immersion du lecteur dans le monde soigneusement préparé par Wilson. On notera entre autres fausses coupures de journaux, photographies d’une actrice prise spécialement pour le rôle, et comble du bonheur : un blog entier écrit par la protagoniste de l’histoire (c.f. la page de l’artiste, plus bas).
Mais trêves de présentations, qu’en est-il de la musique ? Repartant avec la troupe du Raven (Théo Travis en moins), Wilson s’est attelé cette fois-ci à pondre un album bien plus pop et accessible que ses prédécesseurs, très clairement moins sombre que les piliers de l’Anglais comme Grace for Drowning. On est loin des ambiances glauques d’un « Raider II », même si l’album contient tout de même son petit moment de bad-trip sur « Ancestral ». Globalement, cette fois-ci, l’ambiance est plutôt à la tristesse et à la mélancolie. Les morceaux laissent un arrière-goût de nostalgie, d’abandon, de solitude, et de tout un tas d’adjectifs collant particulièrement bien à l’histoire contée.
Bien évidemment, Wilson joue comme d’habitude aux montagnes russes et se permet de faire cohabiter des morceaux d’un calme olympien au format radio (« Perfect Life », « Happy Returns ») avec des plages plus traditionnelles du rock-progressif (« Home Invasion » et « Ancestral »). Une nouvelle fois, il laisse quasi carte blanche à ses musiciens qui s’en donnent à coeur-joie, comme le prouve « Regret #9 » et son interminable solo de clavier, suivi d’un interminable (mais non moins excellent) solo de guitare. Puisqu’on parle de guitare, notons une nouvelle fois la performance admirable de Guthrie Govan dont les soli ponctuent plusieurs pistes, généralement avec bon goût.
De manière générale, Wilson joue avec les codes de ce qui a fait son succès pour nous présenter une nouvelle fois toute l’étendue de ses capacités. L’écriture, la diversité, la qualité de la production, le côté cinématographique, tout y est ! Si HCE n’est en définitive pas l’album ultime de Steven Wilson, il fait tout de même partie de ceux qu’on réécoute avec plaisir un sacré nombre de fois. Et comme toujours, la magie opère. On se retrouve une nouvelle fois à découvrir des détails auxquels on avait pas prêté trop d’attention, ces fourmillements de l’arrière plan qui montrent à quel point Wilson est ce sculpteur de son.