Neal Morse ft. Mike Portnoy
12/04/2013
Trabendo - Paris
Par Martial Briclot
Photos:
Site du groupe : www.nealmorse.com
Setlist :
Flower Kings : Numbers / The truth will set you free / Rising The Imperial / Last Minute on Earth / In the Eyes Of the World
Neal Morse : Momentum / Weathering Sky / Author of Confusion / The Temple of the Living God / Another World / Sweet Elation / 12 / Entrance / Inside His Presence / World Without End
Transatlantic : Bridge Across Forever/ All of the Above / Overture / A Man Can Feel / Rose Colored Glasses / Stranger in You Soul
Quelle que soit l’origine de l’initiative réunissant deux groupes parmi les plus respectés de la scène progressive, il était impossible de ne pas se réjouir à l’idée de retrouver une telle palette de musiciens. Du talent au mètre carré, de fortes personnalités et l’espoir de voir tout ce beau monde jammer, voilà ce que proposait a priori cette double affiche Flower Kings/Neal Morse. Chronique d’une soirée de pur plaisir.
La bande à Roine Stolt, le dandy du progressif aux tenues bariolées, décide de débuter les festivités tout en légèreté, puisque ce n’est rien de moins que « Numbers », la pièce principale de leur dernier album qui servira d’introduction. Une œuvre-synthèse de 25 minutes au compteur (excusez du peu), qui balaye sans complexes divers courants, mais qui peut cependant rebuter le néophyte, dont la pleine concentration est requise pour en apprécier les subtilités…
L’équilibre sonore permet au groupe d’approcher en live le son obtenu en studio, mais donne également l’occasion à Roine Stolt de briller à chaque note, tant grâce à son timbre vocal granuleux qu’à son touché à la six cordes. S’il est sans conteste le cœur et l’âme de Flower Kings, la seconde voix du groupe, Hasse Fröberg, contribue de son côté pour une grande part à la dynamique scénique. Probablement bercé au son de Led Zep et de Free, son attitude énergique et la hargne qu’il donne à chacun de ses accords plaqués permet à l’ensemble de ne pas usurper le terme « rock » accolé à l’adjectif progressif. Il se transforme rapidement en seule attraction visuelle du set, puisque ses compagnons restent franchement calmes, pour ne pas dire mous, sur l’ensemble de la soirée. Avouons tout de même qu’un batteur jouant quasiment en coulisse n’a jamais été un atout majeur pour tout groupe de rock qui se respecte : en effet, sans grande surprise, le trente-trois tonnes percussif de sieur Portnoy, soignement caché aux regards sous sa bâche, se sent un peu à l’étroit sur la scène du Trabendo, et ne risque pas de laisser le loisir à Felix Lehrmann, récemment recruté, de communiquer avec ses partenaires.
Après avoir exécuté brillamment « In the Eyes of the World » extrait de Stardust We Are, les Anglais laissent la place aux Américains après cinq « petits » morceaux, sous les applaudissements d’un public poli qui attendra encore un peu avant de s’exprimer pleinement.
Si les Flower Kings sont déjà passés il y quelques mois par Paris, ce n’est pas le cas de la formation de Neal Morse, plus rare et vraisemblablement plus attendue ce soir par une majorité des spectateurs. Petite curiosité sur cette tournée européenne, la présence du fidèle Mike Portnoy, désormais plus disponible pour son grand ami (alors qu’il ne participait généralement qu’à la tournée américaine), probablement en raison d’un agenda devenu plus flexible ces derniers temps… La carrière solo de Neal Morse reste d’une étonnante vivacité malgré le rythme imperturbable des publications. Enchaînant studio, tournées puis albums live, la machine Neal Morse en est au point que l’on peut désormais trouver le DVD de la tournée le soir même du concert. Exploit ou aberration, chacun se fera son opinion. On peut penser ce que l’on veut de cette carrière solo et de l’orientation christique qui en découle : toujours est-ils qu’elle parvient à conserver un niveau de créativité et d’exigence clairement appréciable, permettant à Momentum de recueillir nombre de critiques élogieuses. C’est d’ailleurs avec le morceau éponyme, véritable tube en puissance, que la formation soudée autour du trio Morse/Portnoy/George déboule sur scène. De l’adjonction de deux nouveaux membres lors de cette tournée (Eric Gillette et Adson Sodre, respectivement clavier/guitare et guitariste) découle une puissance supplémentaire non négligeable : les petits nouveaux sont adeptes d’amplis Mesa Boogie et de Musicman signature John Petrucci (Portnoy doit se sentir poursuivi), donnant à certains morceaux des atours presque metal et une texture finalement très différente de celle de l’album. On regrette simplement une basse un peu trop présente, qui déséquilibre l’ensemble et ne permet que rarement d’apprécier pleinement le timbre des guitaristes qui souffrent ainsi malgré eux de la comparaison avec le son limpide de Stolt, qui les précédait.
Neal Morse en concert est souvent synonyme de joyeux bordel, les multi-instrumentistes jouant des coudes pour démontrer l’étendue de leurs nombreux talents, et ce show ne fait pas exception. Tout le monde, mis à part Portnoy – allez comprendre – pousse la chansonnette avec plus ou moins de bonheur (Gillette s’en sort plutôt bien dans le registre aiguë, Sodre est plus anecdotique), et les quelques passages obligés de canons a cappella font leur petit effet (notamment sur le très fun et désormais classique « Author of confusion »). Avec plus ou moins de spontanéité, puisqu’il le pratique quasiment à chaque concert, Neal Morse se permet un bon bain de foule qui produit toujours son petit effet sur l’assistance. La bonne humeur du leader semble absolument permanente, et d’aucuns pourraient parfois douter de sa sincérité sur scène. Mais une telle énergie déployée à tout instant ne peut être le fruit d’un calcul ou d’une soi-disant « attitude ». Il vit simplement sa musique comme rarement musicien n’ose le montrer, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le bougre sait transmettre les ondes positives. Les quatre-vingt petites minutes accordées au groupe se focalisent majoritairement sur le dernier album. Qu’il s’agisse du complexe « Thoughts part V » ou du pavé « World Without End » qui conclue leur passage, le groupe se joue des difficultés sans montrer quelconque signe de faiblesse.
La fausse surprise de la soirée, vaguement annoncée à droite et à gauche, fut le mini-set consacré à Transatlantic, dont l’annonce d’un prochain album a été faite au cours de la tournée. Une façon plutôt fine de tâter le terrain pour ce all-star band dont la notoriété dépasse largement celle d’un Morse en solo ou de Flower Kings. Et c’est cette notoriété qui explose au visage de Neal Morse et Roine Stolt dès les premières secondes de « Bridge Across Forever ». L’ovation et l’excitation de la foule les accueillent comme à aucun autre moment de la soirée, indiquant précisément où se situent les attentes du public pour le futur. Il suffit de se retourner quelques secondes pour saisir l’ampleur de cette forêt de sourires béat. Le plaisir est total, se transformant sur scène en orgie d’une dimension inédite. Les musiciens défilent pendant cette trop courte demie-heure, jusqu’à atteindre une douzaine de personnes sur les planches, pour conclure, après deux heures trente de marathon progressif, sur un extrait du mythique « Stranger in your Soul ».
C’est ainsi que la soirée s’achève, sur un moment rare que l’on espère pouvoir revivre un jour prochain, laissant présager d’une future tournée Transatlantic probablement dantesque !